Communiqué de presse
Philip Baldwin, Hervé Bourdin, Chica Boyriven, Thierry Breton, Patricia Dubien, Patricia Erbelding, Sophie Favre, Arnaud Franc, Patrice Giorda, Jean-Yves Gosti, Colette Grandgérard, Karl Grant, Monica Guggisberg, Ralph Samuel Grossmann, Atsuko Ishii, Danette Landry, Claudio Locatelli, Stéphanie Malossane, Gérard Omez, Elisabeth Oulès, Laurent Okroglic, Emmanuelle Pérat, Maryline Pomian, Tony Soulié, Aldo Sperber, Patricia Zurini
Mouvement(s)
Invitée par le galeriste Jacques Lévy pour la deuxième année consécutive, j’organise une exposition collective sous le titre «mouvement(s)». Au pluriel, pour ne pas en restreindre la définition. Qu’il soit défini comme déplacement, comportement, ou opinion adoptée par plusieurs personnes, le mouvement en tant que thématique d’exposition m’a semblé évident dans l’envie de réunir ces neuf artistes dont je suis le travail.
Chacun en donnera donc sa version, son interprétation à travers des œuvres préexistantes ou réalisées spécialement pour l’exposition.
Pourquoi ce thème ?
D’abord, au vu de certaines pratiques artistiques de plasticiens, il est apparu des préoccupations liées à l’actualité, à des choix politiques, sociaux, économiques de notre société.
Ainsi les sculptures animalières de Claudio Locatelli dont les corps deviennent support de réflexion politique : coupures de presse des émeutes de novembre 2005 en banlieue parisienne, petites annonces roses, pages d’annuaire, pages de publicité qui, réunies de manière compulsive, nous amènent à une autre vision – dramatique ou loufoque de notre société.
Ou les tableaux d’Hervé Bourdin, lieux d’observation privilégiés de notre société à travers des groupes : portraits de couples, ou mises en scènes aux personnages multiples se télescopant dans des compositions baroques, aux couleurs vives s’entrechoquant. À travers cette dissonance visuelle, l’artiste constate, voire dénonce certaines outrances, manipulations, excès.
Ensuite, il semblait pertinent de réunir des artistes apparemment classiques dans le choix des pratiques, mais à même, en s’appropriant certaines techniques, de réinterroger l’oeuvre d’art et sa forme : Thierry Breton, et son abécédaire en bronze, Arnaud Franc avec des dessins aux crayons, pastel et gouache. Le mouvement est une notion constitutive, l’essence même de leurs recherches, et nous confronte à un figuratif redéfini : comment représenter le corps, a-t-il même valeur que l’objet ? Comment aborder le réel en peinture et en sculpture ?
Une partie du travail de Colette Grandgérard participe de ces mêmes préoccupations, et s’articule de manière plus précise sur des éléments du corps qu’elle disproportionne de manière outrancière jouant d’équilibre peu probable que seul l’art peut se permettre.
Les sculptures en verre soufflé et taillé à froid de Philip Baldwin & Monica Guggisberg sont présentes à travers le monde dans les grandes collections muséales. Résultat d’une collaboration de plus de vingt ans, elles offrent à voir le verre autrement que comme simple objet décoratif. La lumière s’y frotte pour nous renvoyer une vision transfigurée et poétique du réel (« Guardians & Courtesans », initiée en 1996 pour Venezia Aperto Vetro) et de l’invisible (« Circus of spheres », depuis 2003, célébration de la sphère omniprésente dans leur travail depuis le début). Le mouvement y semble perpétuel nous renvoyant à nos propres questionnements sur l’Origine.
Avec ses vidéos et ses dessins à l’encre noire parsemée de gouache, Laurent Okroglic nous amène dans un dédale de figures, d’écriture, où le réseau est le fil tenu mais bien présent de sa vision distordue, parfois apocalyptique de notre monde. En s’appropriant le papier à cigarette, matière simple, quotidienne, légère, fragile, comme unique matière à modeler, Maryline Pomian a créé des sculptures, des suspensions, des reliefs muraux à la blancheur virginale. Ses titres, «Ego», «Expir & Inspir»… nous renvoient à notre humanité, malgré – ou à cause de ?- une abstraction construite parfaitement maîtrisée.
L’œuvre protéiforme de Ralph Samuel Grossmann -dessin, vidéo, peinture, photographie-, invite à voir une Nature, un Eden dont on aurait perdu la trace. Mais cela ne reste qu’une des pistes pour aborder son travail, à la fois conceptuel et sensible. La photographie exposée pour mouvement(s) est générée par une mélancolie sous-jacente à son travail, et par une traversée fulgurante d’un geste gardant la force d’une spontanéité désirée.
Nathalie Béreau, Paris, 2006.