— Rédacteur en chef : Jean-Marc Adolphe
— Éditeur : Mouvement, Paris
— Parution : mars-avril 2004
— Format : 30 x 22,50 cm (inclus le supplément musiques Octopus)
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 96
— Langue: français
— Prix : 6 €
Édito : L’intelligence est un bien commun
par Jean-Marc Adolphe et Léa Gauthier
Qu’est-ce que l’intelligence ? « Faculté de connaître, de comprendre », ou encore « aptitude (d’un être vivant) à s’adapter à des situations nouvelles, à découvrir des solutions aux difficulté qu’il rencontre », nous dit le dictionnaire. En réunissant les « enseignants, magistrats, chercheurs, artistes, avocats, psychanalystes, étudiants, etc. » dans un même « Appel contre la guerre à l’intelligence », l’initiative des Inrockuptibles (18 février) a fait émerger un sentiment commun qui excède les revendications particulières de telle ou telle catégorie professionnelle. Au demeurant, nulle activité — fut-elle « artistique et culturelle » — ne saurait évidemment revendiquer le monopole de l’intelligence. L’intelligence est un bien commun. Mais c’est précisément ce bien commun qui est attaqué en chacun, dès lors que la précarité sociale autant que sensible devient l’horizon politique exclusif auquel nous devrions river nos existences. Comprendre que cet assujettissement n’est pas fatal, c’est reprendre le fil intelligent d’un désir qui ouvre l’avenir.
Selon une récente étude, un million d’enfants vivent aujourd’hui en France en dessous du seuil de pauvreté. L’éducation artistique en milieu scolaire ne résoudra certes pas cette donnée sociale. Mais, comme vient de le rappeler un rapport du Conseil économique et social, l’absence d’ambition dans laquelle est tenue l’intelligence sensible et créatrice « s’avère pénalisant pour les enfants et pour la société ». Prenant acte du « poids croissant des pratiques culturelles liées aux médias » chez les jeunes, le ministre de la Culture recommande mollement « un effort accentué en faveur de l’éducation à l’image ». Il n’est pas sûr que cela suffise à faire contre-poids aux représentations dominantes qu’assènent aujourd’hui les « industries culturelles ». Comme le souligne le philosophe Bernard Stiegler dans son récent ouvrage, Aimer, s’aimer, nous aimer (Éd. Galilée) : « L’exploitation industrielle du pouvoir des objets temporels finira par exténuer le désir de la conscience, fondé sur la singularité et le narcissisme en tant qu’image d’une altérité du moi. Telle est la débandade — le ralentissement à venir de la consommation par le dégoût du consommateur. Dégoût qui est une pure et simple destruction de son goût. » Or, le goût est une marque d’intelligence. Là encore, c’est le dictionnaire qui vient nous le rappeler : « L’opération par laquelle l’intelligence saisit les phénomènes constitue la perception. Elles saisit les phénomènes du monde extérieur par l’intermédiaire des sens ». Ce n’est donc pas oublier la sphère du politique, comme incessant appel à « la libération des instants », que de questionner dans ces pages les voies de la création, celles-là même qui nous suggèrent qu’un autre réel est possible, en nous mettant « au défi des représentations ».
(Texte publié avec l’aimable autorisation de Mouvement)
Les auteurs
Jean-Marc Adolphe et Léa Gauthier sont rédacteurs en chef de la revue Mouvement