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Mouvement n° 42

Le dernier numéro de la «revue indisciplinaire des arts vivants» prône la totale liberté d’expression, au sein d’une «utopie comme chaos-monde». Le dossier spécial est consacré au son, matériau aujourd’hui essentiel aux diverses formes d’expression artistique.

Information

  • @2007
  • 2.
  • \9€
  • E160
  • Zoui
  • 4français
  • }225 L - 285 H

Présentation
Jean-Marc Adolphe et Léa Gauthier
Mouvement n° 42

« Conte de Noël »
La coulée du réalisme politique qui se déverse aujourd’hui dans les médias, sous couvert de campagne présidentielle, est le masque mou d’une société qui n’aurait plus l’énergie de l’enfance. Le réalisme politique est une idéologie qui se construit dans un maillage implacable d’images, de discours. Il impose une représentation qui affirme : «Je suis la seule version possible du monde». Les experts, les conseillers, interviennent ensuite pour démontrer, à grands renforts de points de vue autoritairement objectifs, la vérité de l’assertion. Les opposants sont relégués dans la zone de l’erreur, de l’immaturité, de la fantaisie… Les déviants, les rêveurs, les artistes, les philosophes…

Les principaux candidats n’offrent pas de projets de société. Ils donnent une image terne de la France et affirment qu’ils ont la solution la plus «réaliste» pour sortir de l’impasse. Derrière les mots de «rupture» ou de «réforme», rien d’autre que la reconduction du même, à quelques nuances près. Si la question de l’art et de la culture est aujourd’hui absente des principaux programmes politiques, ce n’est pas un hasard, ni davantage une étourderie. Le degré zéro du politique s’affirme dans l’oubli volontaire de l’esthétique. L’esthétique est l’ennemie du réalisme politique. Elle dit que le monde n’existe pas en dehors des représentations que l’on en a. Qu’il y a dès lors autant de mondes que de visions du monde. Elle dit que les explications sont encore des poèmes, des récits, des images, des versions plus ou moins plausibles, et qu’il n’y a pas d’objectivité, seulement des interprétations. Que les images de l’art ne peuvent pas être lues aussi littéralement que des images pornographiques. Qu’il est inadmissible de mettre en examen Henry-Claude Cousseau, ex-directeur du capcMusée d’art contemporain de Bordeaux, pour avoir accueilli il y a six ans l’exposition «Présumés innocents», exposition consacrée à l’enfance, sous motif de «diffusion d’images à caractère pédopornographique». Depuis quand l’art serait-il soluble dans les bonnes mœurs ?

Le monde est ouvert, et s’il n’y a plus d’ouverture, il n’y a plus de réalité. Alors que le ministre de l’Intérieur parle d’impossible absorption des flux, le Réseau éducation sans frontières, qui s’est mobilisé contre les expulsions de familles sans papiers — enfants inclus —, montre qu’une utopie hospitalière est possible. Deux visions du monde, deux manières d’envisager l’altérité.

Démultiplier les angles, réaliser des contrechamps. Comme l’affirme Edouard Glissant dans son nouvel ouvrage, Une nouvelle région du monde. Esthétique I, le combat est aujourd’hui esthétique, car là est le ressort du politique. Le poète et écrivain du Tout-Monde est aujourd’hui le passeur d’une pensée possible, qui «ne serait pas celle d’un système visant la perfection, mais d’une utopie comme chaos-monde, qui est forcément un non-système imprévu, imprévisible». Reste à inventer la politique de la relation qui ouvre le passage d’une telle utopie.

Pinocchio a laissé sur le tapis sa carcasse de pantin, mais il n’est pas mort. En devenant enfant, il s’est créé, s’en est allé de par le monde.

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