La danse contemporaine, comme le sport de haut niveau, est une discipline qui ne laisse pas beaucoup de place au temps qui passe. Même si les corps s’enveloppent, se tordent, se dénudent, il reste quand même un tabou : le vieillissement des danseurs. Sans être un tabou sacré, c’est simplement une question éludée. Mais pas par le chorégraphe Mourad Merzouki qui, en 2016, crée le spectacle Cartes Blanches. Un spectacle conçu pour fêter les vingt ans de sa compagnie, la Cie Käfig. Un spectacle qui réunit six interprètes intimement liés à l’histoire de la compagnie : Yann Abidi, Rémi Autechaud, Kader Belmoktar, Brahim Bouchelaghem, Rachid Hamchaoui et Hafid Sour. Avec au menu : un canapé cossu, de lourds tapis feutrés, des fauteuils en velours et un lustre façon Louis XV. Bref, un intérieur bourgeois, et la question de savoir ce qu’il reste de la danse hip-hop.
Cartes Blanches de Mourad Merzouki : les 20 ans de la compagnie Käfig
Que reste-t-il de la danse hip-hop de Mourad Merzouki ? Une grande poésie, pour commencer. Et une grande virtuosité dans la gestuelle des interprètes. Le Break est précis, pointu, velouté. Par son décor, le spectacle Cartes Blanches instaure un drôle de dialogue entre deux conceptions du mobilier et de la mobilité. Avec des meubles qui seraient tout à fait à leur place dans le salon d’un grand appartement du 16e arrondissement de Paris d’une part. Et des danseurs qui seraient tout à fait à leur place dans une zone commerciale de banlieue parisienne d’autre part. Casser ce cliché sordide et plombé, cette frontière-là , voilà ce que Cartes Blanches met en lumière. Vingt années à grignoter patiemment les stéréotypes pour créer de nouvelles poésies, une magie capable de dépasser les clivages et ségrégations culturelles. Pour toucher à l’émerveillement, par la danse.
Danse hip-hop, breakdance, cirque et poésie virevoltante : 20 ans de création
Le spectacle Cartes Blanches offre ainsi une synthèse en mouvement du chemin parcouru. Une pirouette poétique, avec juste ce qu’il faut d’amertume et de suavité pour créer un spectacle mémoriel et mémorable. Les six danseurs portent chacun une facette de la compagnie Käfig. Qu’ils aient été présents dès les débuts, avec les « Rencontres de La Villette » (1996). Ou qu’ils aient participé à des spectacles comme Käfig (1996), Dix Versions (2001), Corps est graphique (2003), Pixel (2014). Certains ayant même, comme le danseur et chorégraphe Yann Abidi, travaillé par ailleurs avec Kader Attou et la Cie Accrorap. Autrement dit, Cartes Blanches revient sur l’histoire d’un courant de danse, celui d’une rencontre entre hip-hop, danse contemporaine et cirque actuel, au tournant des années 1990. Avec un spectacle virtuose et virevoltant, sur une composition musicale d’Armand Amar.