Fils d’immigrés juifs d’Europe de l’Est, venus à Paris pour fuir les pogroms, Willy Ronis développa son goût pour la photographie dans les années trente. Le studio de photographie de son père ne l’intéressait guère: ce n’est qu’en arpentant la ville de Paris et en prenant, sur le vif, des clichés d’inconnus dans leur environnement social, qu’il trouva sa voie.
Grâce à la conjonction d’innovations techniques (les appareils portatifs, l’héliogravure et l’offset) favorisant l’essor de la presse illustrée, il centre alors sa démarche sur le photoreportage.
Ses premiers clichés promis au succès datent de cette époque (une petite fille au poing levé sur les épaules de son père lors du défilé du 14 juillet 1936; Rose Zehner pendant la grêve chez Citroën en 1936) et célèbrent des instants de fraternité dans la vie des gens ordinaires, des moments de lutte pour un avenir meilleur.
La photographie de Willy Ronis (qui compte plus de 100 000 clichés) est étroitement liée à une époque, et au courant humaniste. Notamment composé d’Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau ou Brassaï, la «photographie humaniste» connaît son apogée entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années soixante. Elle exprime l’idéalisme et la croyance moderne en les valeurs de vérité, de morale, et de progrès, et tente retrouver dans la culture une part de l’humain que les horreurs nazies on mis à mal.
Résolument optimiste, les clichés de Willy Ronis — un enfant courant dans la rue avec une baguette à la main (Le Petit Parisien, 1952), des amoureux (Les Amoureux de la Bastille, 1957), des scènes de fêtes foraines — transmettent une vision poétique d’un «réel» grandement construit autour d’instants de bonheur et de joie simples. Ils ont assurément contribué à forger l’image stéréotypée de la France dans le monde.
Depuis 2001 Willy Ronis ne pouvait plus photographier: «Je me suis trouvé subitement handicapé dans mes capacités de me mouvoir. Je ne pouvais plus bien marcher, je ne pouvais plus courir et ce qui m’intéressait le plus — aller au-devant de l’événement — c’était fini».
Toutefois, il continuait à se déplacer pour ses expositions et était encore présent cet été aux 40e Rencontres photographiques d’Arles, où il était l’invité d’honneur. Avec sa mort disparaît un des derniers témoins de la mémoire d’une époque révolue.