Adam Adach a toujours eu une façon particulière d’aborder l’histoire, celle de son pays, marqué par la fin du communisme. Son approche est celle d’un peintre, à la formation rigoureuse, dont la touche ne représente aucune école, aucune doctrine, mais exprime plutôt une liberté face aux évènements et à la façon de les représenter — une liberté discrète qui donne toute sa force à une peinture que l’on dit figurative, sans que cela soit pourtant si évident.
Dans son exposition «Morsure», les sujets des toiles se diversifient. L’intérêt se porte sur d’autres pays que la Pologne, mais aussi sur des figures d’intellectuels, sans oublier les scènes banales. Adam Adach se fait plus attentif au monde. Ainsi, Parloir et Peniche Fairy Tale évoquent directement le Portugal et la forteresse de Peniche où Salazar enfermait les opposants. Les deux petites toiles à dominante bleue sont présentées sur un mur de la galerie, quadrillé au crayon de petits carreaux: le dispositif est une réminiscence des azulejos…
Deux autres toiles (Hudson et Happy New-York) prennent pour sujet deux évènements tout récents: l’amerrissage d’un avion sur l’Hudson et un incendie à New-York. Adam Adach part souvent de sources précises (photographiques, cinématographiques): l’actualité rejoint l’éventail des sources possibles.
On ne saurait trouver de message à travers le choix de ces sujets. Le seul propos est ici celui de la peinture, qui est véritablement une façon de réagir au monde. Comme toujours dans son travail, les touches d’Adam Adach sont d’une grande variété, tout comme la palette. Chaque sujet offre à la peinture un élan différent, dans une pratique exigeante qui jamais ne se fige.
Certaines toiles entament des narrations: ainsi cette très belle toile, Retour précipité, dans laquelle des personnages aux visages absents (comme souvent dans cette exposition) fuient une plage. Le traitement pictural est très fort: les touches verticales qui composent les corps viennent se heurter violemment aux touches horizontales du paysage. Plus que la fuite devant l’orage, c’est finalement la lutte de la peinture avec elle-même qui semble être le sujet.
Dans Piscine, c’est à l’histoire de la peinture que l’on pense, face à ces jeunes baigneurs qui s’amusent. Le pan de mur au premier plan qui pose une distance entre le spectateur et l’espace pictural fait inévitablement penser au «petit pan de mur jaune» de Vermeer.
Mémoire de la peinture, de la poésie aussi: L’effort humain (Jacques Prévert) s’inspire d’un poème tiré des Paroles dans lequel Prévert dénonce la misère dans laquelle vivent les ouvriers. L’engagement est palpable dans cette toile aux tons roses qui nous montre un homme un peu las. Mais cet engagement passe encore et toujours par la peinture: la masse noire qui envahit la toile est peinte à la bombe, comme une revendication de la liberté, la possibilité d’une rébellion.
Certaines œuvres sont plus énigmatiques, comme Morsure, qui donne son titre à l’exposition, sur lequel on voit un serpent et qui compose avec Kapital un diptyque.
On ne saurait enfermer Adam Adach, ni dans un propos, ni dans une «façon de faire» de la peinture. Cette dernière entre constamment en interaction avec le monde et ainsi, ne se fige jamais.
— Adam Adach, Diptyque, Peniche Fairy Tale et Parloir, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Quitter le continent, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Diptyque, Kapital et Morsure, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, L’Effort humain (Jacques Prévert), 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Le Fruit défendu, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Retour précipité, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Hudson, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Happy New-York, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Taking a tea with a communist father, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Headstand, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Piscine, 2010. Huile sur toile.
— Adam Adach, Ego, 2010. Huile sur toile.