Richard Serra s’est lancé le défi audacieux de structurer l’impressionnant volume du Grand Palais avec une seule sculpture : cinq plaques d’acier dressées sont alignées à intervalles réguliers sur l’axe long de l’édifice. D’une hauteur de dix sept mètres sur quatre de large et d’un poids de 75 tonnes chacune, elles sont certes monumentales, mais leur gigantisme, rapporté au bâtiment lui-même (45 mètres de haut sous la nef), reste tout relatif. La force de l’œuvre réside dans la justesse de ses proportions.
Â
Toute sculpture est un rapport à l’espace, mais l’expérience suscitée par Promenade est unique : celle-ci habite l’espace au point d’inclure l’architecture du lieu à l’œuvre elle-même. Une fois franchie l’entrée, le visiteur y pénètre d’emblée. Un dialogue permanent et dynamique s’instaure entre les volutes des poutrelles et le métal brut des plaques, la transparence de la verrière et l’opacité de ces dernières, le gigantisme du volume de l’édifice et la sobre verticalité de l’acier, au gré de la déambulation du visiteur.
Les contrastes disparaissent au profit de l’équilibre : les plaques structurent le lieu dans son ensemble qui, lui, absorbe leur massivité. La verticalité et l’alignement régulier des éléments de métal ramasse le volume de la nef et permet de l’appréhender.
La légère inclinaison asymétrique des plaques rythme l’espace et fait écho aux propres déplacements du visiteur, modifiant sans cesse son point de vue. La force sereine qui s’en dégage pousse à la contemplation. La référence à l’art japonais du jardin, fondé sur l’harmonie, l’unité du plein et du vide, la diversité des points de vue et la méditation — expérience marquante de l’artiste lors d’un voyage à Kyoto en 1971 — prend tout son sens.
«Je voulais que le volume entre les plaques résonne», dit Richard Serra. La justesse des rythmes entre plein et vide crée une harmonie qui s’étend à tout l’espace et se coule dans le lieu en une respiration fluide presque musicale. Sa transposition ailleurs créera immanquablement une œuvre différente.
Les plaques de métal imaginées par Richard Serra pour le Grand Palais ont été fabriquées par le numéro un mondial de la sidérurgie, ArcelorMittal. Une belle façon de mettre en avant les savoir-faire de ce groupe, ce dont il se félicite lui-même. On mettra cependant en regard le millier d’emplois menacé sur son site de Gandrange en Moselle…
Parallèlement à l’exposition
— Des conférences et rencontres sont organisées les jeudis («L’œuvre en face») et les vendredis (« Débattu par… ») à 19h30, pour proposer le regard de personnalités d’horizons divers sur l’œuvre de Richard Serra.
— Certains samedis, à la même heure, aura lieu une intervention artistique, essentiellement musicale (Pascal Dusapin, Philip Glass, l’ensemble Motus).
— En écho à l’exposition de Richard Serra au Grand Palais, Clara Clara, œuvre créée pour Les Tuileries en 1983, y est réinstallée pour six mois. Ses deux plaques d’acier courbes de 35 mètres de long et de 3m de large font face à l’obélisque de la Concorde. Une occasion de comparer le rapport à l’espace d’une sculpture en extérieur et dans un lieu clos, fût-il immense.
Lien
www.monumenta.com
Publications
— Alfred Pacquement, catalogue Monumenta 2008 /Richard Serra : Promenade, Cnap, Centre Pompidou, Paris, 2008.
— Fodil Chabbi, DVD Monumenta 2008 /Richard Serra : Promenade, Cnap, Centre Pompidou, Carson prod, Paris, 2008.
Richard Serra
— Promenade, 2008. Acier. Cinq éléments de 1700 x 400 x 13 cm chacun.
— Usine Industeel-Arcelor Mittal (Rives-de-Giers), 2007. Photographie.