Adela Babanova, Pascal Bauer, Benoît Billotte, Boris Chouvellon, Régis Fabre, Carole Fékété, Robert Foster, Jeanne Gillard & Nicolas Rivet, Jacqueline Hoang Nguyen, Rémy Jacquier, Léa Le Bricomte, Simon Le Ruez, Matthieu Martin, Mick Peter
Monument
Composée à plusieurs mains par le Frac Basse-Normandie, le Musée des beaux-arts de Calais et le Sainsbury Centre for Visual Arts de Norwich (au sein du projet européen Time and Place) et selon des règles prédéfinies, l’exposition «Monument» se joue au final selon des partitions qui livrent chacune leur vision singulière historique, commémorative ou prospective. L’exposition du Frac Basse-Normandie se veut un son en léger différé, qui établit des allers-retours entre une mémoire commémorative fragile et parfois ambiguë et, un questionnement prospectif sur ce qui pourrait faire monument aujourd’hui.
Le monument comme rappel d’une utopie perdue, oubliée, se donne à voir dans les œuvres d’Adela Babanova et de Jacqueline Hoang Nguyen. Entre documentaire et fiction, le film Return to Adriaport d’Adela Babanova poursuit le rêve extravagant d’une Tchécoslovaquie reliée à la mer par un tunnel dans la vision soviétique du bonheur des peuples. Le film 1967: A People Kind of Place de Jacqueline Hoang Nguyen relate au travers d’archives audiovisuelles la volonté d’une ville canadienne de construire un monument destiné à accueillir les extraterrestres. Dans son film Refresh the Revolution, Matthieu Martin repeint la Tour blanche d’Ekaterinbourg, emblématique de l’architecture russe des années 1920, qui catalysait à l’époque l’espoir d’une vie nouvelle. Quant au Pavillon Deligny, maquette/fiction de Rémy Jacquier, il revisite les «lieux de vie» inventées pour les autistes par Fernand Deligny dans les années 1960.
Les dessins de sable collé au mur de Benoît Billotte esquissent les silhouettes de tours contemporaines caractéristiques tant de la soif de hauteur que du pouvoir qui y est associé. Symboles malmenés au fil du temps par les intempéries, les photographies de drapeaux déchiquetés de Boris Chouvellon, font figure de ruines et révèlent les désordres du monde. Jeanne Gillard & Nicolas Rivet, quant à eux, sculptent avec ironie dans le savon, des reproductions de sculptures publiques déplacées hors de leur contexte initial ou détruites pour des raisons politiques.
L’exposition interroge par ailleurs plus largement la société contemporaine dans laquelle s’imposent de nouvelles formes d’hypothétiques «monuments», traces emblématiques de ce qui constitue aujourd’hui la mémoire occidentale. Parmi eux, produits en série en tous genres, supermarchés, consommation à l’extrême, ou encore web et réseaux sociaux. Régis Fabre, dans Vakttorn, détourne ainsi un lit en kit d’un fabricant dont l’enseigne est à elle seule un média, en potentielle tour de guet peu accueillante. Pascal Bauer, avec Master of the wolves, grave dans le marbre des fragments d’un «chat» récupéré sur Internet, échange absurde placé ici comme une sorte d’épitaphe. Simon Le Ruez accouple planche à repasser, bunker et gazon de golf en une sculpture inattendue.
Les armures, coquilles vides assemblées en photo de groupe de Carole Fékété ou les obus récupérés au présent et emplumés comme des trophées de tribus indiennes de Léa Le Bricomte en réfèrent à la violence de l’humanité tout en la manipulant avec ironie. Enfin l’artiste anglais Robert Foster réactualise sa performance Spectre. Telle une sculpture, debout sur un socle recouvert d’un simple drap, il fera à lui seul office de monument au cours du vernissage.
Réinterprété par les artistes, le monument n’est plus seulement une architecture commémorative, mais évolue symboliquement au sein d’une nouvelle idéologie et de nouvelles croyances.