Maguy Marin
Montpellier Danse. May B
Ils sont dix. Hagards, voûtés, faces argileuses, plâtrées. Tremblotant, secoués, raclant le sol, horde de pauvres hères livrés à l’absurdité de l’instant égaré. Mais scandant, entêtés, la portée rhapsodique des destinées humaines.
En 1981, la pièce May B, de Maguy Marin, bouleverse tout ce qu’on croyait de la danse. C’est une déflagration, dont les échos ne se sont jamais éteints: en 2013, Montpellier Danse donne l’occasion exceptionnelle de revoir ce chef-d’œuvre, mais aussi une autre pièce: Elle m’avait pas dit tout ça…, de Sabine Prokhoris et Simon Hecquet, qui montre comment May B travaille encore dans toutes les mémoires de la danse. Fait rarissime: après plus de trente ans, May B est toujours repris sur les plateaux de la planète entière.
Au début des années 80, Maguy Marin se passionne pour la lecture de Samuel Beckett. May B en est imprégné, constat implacable de la désolation des comédies humaines, mais acte de foi entêté dans l’engagement à être là , au monde. Là tout entier. Tenir. Et tenir encore. Malgré tout ensemble, tout entier en corps.
Indifférente aux lignes de partage (est-ce de la danse, est-ce du théâtre?), sans complaisance pour les afféteries de style, May B sonde la densité du simple geste, éprouve le strident des situations, pour orchestrer un acte scénique d’une puissance poignante, politique et philosophique. Regarder May B en 2013, ne consiste pas à renouer avec le passé, mais à poursuivre dans le cours tumultueux de la mémoire des gestes au présent.