Arin Rungjang
Mongkut
L’exposition «Arin Rungjang: Mongkut» s’inscrit dans le cadre de «Enter the Stream at the Turn», une proposition d’Erin Gleeson, pour la programmation Satellite 8 présentée au Jeu de Paume, Paris et au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux.
Déployant sa pratique artistique en différentes techniques, Arin Rungjang privilégie toutefois la vidéo et l’installation in situ. Explorant événements historiques et expériences de la vie quotidienne, il se livre à une analyse sans concession de ses sujets pour revisiter les grands récits par l’entremise de l’anecdote. Donnant à voir simultanément des époques et des lieux différents, il confie au spectateur le soin de rétablir le lien entre les différentes strates.
«Dans Mongkut, installation vidéo et sculpture, Arin Rungjang part d’une situation actuelle pour rouvrir une histoire méconnue. Rama IV, connu en Occident sous le titre de roi Mongkut (ce qui signifie “couronne” en thaï), a fait réaliser deux copies de sa propre couronne royale. Le 27 juin 1861, la seconde réplique fut offerte à l’empereur Napoléon III par une ambassade siamoise au château de Fontainebleau.
La première vidéo réalisée par Rungjang montre les somptueux décors du château et la mise en scène des collections dans une sombre lumière d’hiver. Elle est accompagnée par un commentaire de Pierre Baptiste, conservateur en chef du musée Guimet. Tandis que ce dernier se livre à un tour d’horizon de l’histoire des relations franco-siamoises, tout en évoquant les questions de nature des cadeaux diplomatiques et de la présentation des collections, un jeune homme visite seul les salles du musée, jusqu’à parvenir à la réplique qui est exposée dans les salons de l’impératrice Eugénie. Se plaçant devant la vitrine abritant la couronne, il scanne celle-ci avec un petit scanner 3D portatif.
La seconde vidéo fait le portrait de Woralak Sooksawasdi na Ayutthaya, l’arrière-arrière-arrière petite-fille du roi Mongkut. Maître artisan d’art et créatrice de couronnes de théâtre, elle a été nommée par l’actuelle reine de Thaïlande pour enseigner les arts royaux au Centre royal des arts et métiers populaires de Bang Sai, situé au nord de Bangkok. Tandis que Sooksawasdi évoque sa propre généalogie et l’artisanat d’art royal, la caméra explore son atelier baigné dans une douce lumière tropicale. Entourés des instruments et matériaux de leur métier, Sooksawasdi et son époux consultent les données numériques enregistrées par le jeune homme au château. Ne tenant pas compte des possibilités de reproduction infinies que ces données recèlent, ils incarnent l’héritage d’un savoir-faire artisanal. Rungjang nous laisse sur ces images qui illustrent un travail long et méticuleux et se contente de faire allusion à l’objet qui en résultera.
C’est dans l’exposition que nous découvrons le chef-d’œuvre achevé de Sooksawasdi: la réplique de 2015 de la réplique de 1861 de l’original de la couronne royale de Siam de la dynastie Chakri créée en 1782. La complexité du continuum représenté par Mongkut perturbe la chronologie linéaire à laquelle nous sommes généralement habitués. Avec délicatesse, Rungjang aborde le pouvoir symbolique de l’objet en ne nous présentant délibérément qu’un pan de l’histoire de la souveraineté de la Thaïlande, passée et présente.
Observée par Rungjang à la lumière du présent — avec un regard que l’artiste juge trop immédiat pour mettre au jour quelque preuve fiable —, l’ultime version de la couronne devient un ”miroir bipolaire”.» (Erin Gleeson)