Jan Stradtmann, Édith Roux
Mondialisation mon amour. Garden of Eden. Belgravia.
Les réunir dans un même espace engendre naturellement un choc visuel créateur d’interrogations sur les méfaits et bienfaits de l’hyper capitalisme mondial. Deux visions se rencontrent, se confrontent, deux mondes à des milliers de kilomètres l’un de l’autre et pourtant si proches: la virtualité de la finance des traders londoniens marchant de consœur avec la modernisation des habitats traditionnels.
Ce mécanisme synchronique nous devient familier, pourtant Ouighours et Traders, All Together! Mondialisation, mon amour!
A l’exact opposé du travail d’Edith Roux, comme en un univers inversé, Jan Stradtmann nous invite à la rencontre des «Possédés» du jardin d’Eden, dans ces parcs londoniens qui jouxtent la City des affaires, où règne en surface un calme olympien, à peine troublé par les silhouettes sibyllines de ces traders.
«Possédés», tels des personnages de Dostoievski, possesseurs de connaissance et de pouvoirs qui alimentent leurs tourments intérieurs. Possédés de l’information qu’évoque cet appareillage digital prêt à déverser sa logorrhée arithmétique, que Stradtmann associe symboliquement à la chute de l’homme dans l’Eden originel. En effet, il commence à travailler sur cette série à l’orée de la crise financière de 2008, et contrairement aux tableaux d’Edith Roux, se concentre sur des personnages solitaires et discrets, absorbés le temps d’une pause cigarette ou sandwich dans ces trous de verdure, qu’il associe à la perte du paradis.
Comme si la végétation épongeait l’agitation mentale de ces cerveaux mécaniques, dont ces hommes d’affaire ne peuvent réchapper que dans la rédemption de quelques instants illusoires arrachés au stress de l’enfer urbain. Là où l’histoire imbibait les postures hiératiques et inquiètes des antiques Ouïghours, la paix factice cherche ici à dissiper les tensions archéo-financières, que l’on ressent souterrainement flotter au milieu de toute cette chlorophylle.
Cette série ainsi que celle des autos «Porsche» devant les porches solennels des Londoniens nous renvoie en filigrane à cet univers englobant et mondialisé, qui malgré son absence de visibilité diffuse en partie ce climat menaçant des réalités économiques de la compétition mondiale. Et l’on comprend que ce sont ces sociétés et communautés traditionnelles, qui en feront les frais, à des milliers de kilomètres de la délocalisation, leurs ruines de pisé en cours d’éradication contrastant tristement avec les mécaniques d’acier des présences déshumanisées.
La série «Belgravia» présente le quartier éponyme de Londres, l’un des plus riches de la ville. Tout comme le nom Porsche, Belgravia est synonyme de richesse et de niveau de vie élevé, de puissance financière et de force. Chaque photo montre une Porsche garée en face du porche d’une maison de cadres supérieurs avec les mêmes clôtures et les mêmes portes. La représentation en série de cette scène évince par la même occasion le caractère distinctif qui vient habituellement avec la possession d’une Porsche. Au lieu d’afficher l’individualité et le goût de son propriétaire, il se dissout ici dans un signe réitéré vidé de son sens originel. (Gilles Verneret)
Consulter l’annonce:
Mondialisation mon amour. Les Dépossédés par Edith Roux.
En collaboration avec le réseau Adele.
Vernissage
Jeudi 15 novembre 2012