LUNa
Mois de la Photo. Gate 20-21. Portraits
Si le travail de LUNa s’inscrit résolument dans la filiation de femmes artistes engagées dans le double rapport au corps et à l’altérité, depuis Gina Pane — pour le geste performatif — jusqu’à Sophie Calle — pour le jeu de la rencontre et les porosités entre réalité et fiction, images et textes—, en passant par la radicalité de Valie Export, et l’humanisme de Nan Goldin. Elle enracine néanmoins son œuvre dans des questionnements jalonnant toute l’histoire de l’art, et particulièrement depuis la Renaissance, tels que ceux liés à l’image et à la notion de représentation.
Pour LUNa, le traitement formel de l’image revêt une importance particulière, qu’elle considère comme indissociable de son approche signifiante. Au travers de l’utilisation des nouvelles technologies, et en particulier les possibilités de l’image numérique — qui interrogent les notions de statut d’auteur et d’image, mais aussi les genres artistiques — elle réinjecte une dimension créative à l’image, dans un travail de réappropriation picturale, de traitement ou de remonétisation de l’image.
Dans la série photographique Gate 20-21, elle se met en scène dans un aéroport — lieu des croisements et des possibles par excellence —, dans des situations du quotidien. Elle interprète alors la définition léonardienne de l’œuvre en «Cosa mentale», par laquelle l’artiste, maîtresse de la représentation, introduit le spectateur dans le double espace ambiguë du réel et de la fiction.
Dans ses photographies numériquement travaillées et étrangement picturales, LUNa crée des réalités fictionnelles, ou des fictions réelles, lance des pistes, sème des indices, prépare ses plans, ménage les non-dits: un lieu, un lit défait, une attente, une femme dans un aéroport, une rencontre, les mots du désir, un regard. Au spectateur de produire les sous-textes, de reconstituer avec sa propre histoire les supposés fictionnels. Glissements perpétuels entre ces deux dimensions, ses œuvres laissent toujours ouvertes les possibilités spéculatives et les perspectives. Chacune d’entre elle fonctionne comme une sorte de contemporaine «tavoletta de Brunelleschi», un œilleton par lequel se rencontrent l’œuvre et la réalité, le construit et le visible, l’universel et l’intime.