PHOTO | EXPO

Mois de la photo. Devant un champ obscur

30 Oct - 01 Déc 2012
Vernissage le 30 Oct 2012

Le langage de Corinne Mercadier a dû radicalement se modifier, confronté à la disparition des techniques dont elle usait jusqu’alors, et qui déterminait un rendu photographique spécifique. La galerie des Filles du Calvaire portera ainsi un regard rétrospectif sur ses anciennes œuvres travaillant au Polaroid.

Corinne Mercadier

Mois de la Photo. Devant un champ obscur

La Maison d’Art Bernard Anthonioz de Nogent-sur-Marne et la galerie Les Filles du Calvaire se sont associées afin de porter un regard exceptionnel sur l’œuvre de Corinne Mercadier à un moment charnière de sa carrière. En effet, au moment même où une première rétrospective tournait en France de 2006 à 20122, et trouvait un aboutissement dans une monographie conséquente aux Editions Filigranes, le langage de Corinne Mercadier a dû radicalement se modifier, confronté à la disparition des techniques dont elle usait jusqu’alors, et qui déterminait un rendu photographique spécifique.

De fait, Solo et Black Screen, deux séries inédites présentées à la galerie dans le cadre du Réel Ré-enchanté du Mois de la Photo, se distinguent des œuvres précédentes de l’artiste par le passage d’une pratique très particulière — une complexe double prise de vue au Polaroid SX70 — à la photographie numérique.
Face à ce nouveau travail, une mise en perspective de l’ensemble de l’œuvre fondée sur une relecture rétrospective nous est apparue un éclairage pertinent.

C’est ainsi qu’en parallèle à l’exposition à la galerie, celle à La Maison d’Art Bernard Anthonioz porte un regard actuel sur l’œuvre de Corinne Mercadier, dans un parcours qui rompt avec la chronologie. Cette exposition, «Le Grain du temps», met en espace la construction d’une œuvre dans laquelle, au fil du temps, se tissent de nouvelles approches des mêmes préoccupations: la lumière et l’ombre, la théâtralité et la danse, l’espace et le point de vue. Mais aussi l’incarnation de l’instant dans une forme, peintures ou sculptures volantes, et la présence du corps, souvent indéfini, presque une essence.

S’il y a une rupture radicale dans l’œuvre de Corinne Mercadier, c’est l’arrêt de la fabrication de la pellicule Polaroid SX70 en 2008. Depuis, elle travaille avec les outils numériques, qui ont apporté des modifications fondamentales aux dispositifs de prise de vues et à l’esthétique de ses images.
Cette exposition montrera donc, en résonnance à une sélection dans les précédentes séries photographiques, des pièces issues des nouvelles séries ainsi qu’un ensemble de Polaroids originaux, dessins et carnets de travail afin de mettre en lumière l’originalité stylistique et l’incroyable cohérence de l’univers de Corinne Mercadier.

«Devant un champ obscur» est le titre proposé par l’artiste pour son exposition à la galerie Les filles du calvaire de deux nouvelles séries menées en parallèle, Solo et Black Screen, et du livre publié à cette occasion aux Editions Filigranes. Nous l’avons souligné, ces séries se distinguent des œuvres précédentes de l’artiste par le passage à la photographie numérique et l’abandon de la matière et des effets dûs au Polaroïd. Pourtant, ce faisant, ces nouvelles images s’inscrivent dans la continuité de l’œuvre: on retrouve dans Solo les ciels sombres (présents depuis Paysages, 1992), la mise en scène, les personnages énigmatiques et les objets lancés (Une fois et pas plus, 2002 et Longue Distance, 2007), tandis que réapparaît dans Black Screen la lumière irradiante des Glasstypes de 1999, photographies d’objets peints sur verre.

Dans Solo, les ciels des photographies prises en extérieur sont devenus les cintres obscurs d’un théâtre aux grandes perspectives horizontales dont le point de fuite a disparu dans le noir. Le regard cherche l’infini, revient à ce qu’il y a à voir: la chorégraphie de l’image. Au premier plan principalement, plan de l’action, se trouvent des personnages en représentation, statiques ou en mouvement, des sculptures, des objets volants ou non. Ces objets sont simples, géométriques: grandes baguettes, pneus, ballons, lignes délimitant des espaces qui évoquent le jeu, mais un jeu dont les règles échappent. Les modèles vivants et les objets se prêtent à être lieu de passage, lieu de croisement et de superposition du mouvement et de l’immobilité en une seule et même image. Les lumières et les couleurs, quant à elles, semblent parvenir de sources indéfinissables.

Black Screen pourrait être le négatif de Solo: scènes intérieures dans des espaces restreints, sans personnages, que l’on découvre comme on ouvre une porte secrète en s’habituant au noir. Dans l’immobilité de chaque image plusieurs voix se mêlent : celles d’objets quotidiens, de formes abstraites intruses et parmi eux, un élément qui semble entrer en phase lumineuse. Une pile d’assiettes, des planches, un lit irradient d’une luminosité extrême. C’est un théâtre aux lumières réglées une à une. Le hasard n’est pas de la partie. La facture photographique sert de matière première à une image mentale qui se construit en même temps que l’œuvre, jetant un regard sur le tissu discontinu des choses.

Corinne Mercadier joue, d’une série à l’autre, sur un statut instable des objets: oscillant entre le trouvé, le fabriqué et le virtuel, ils entraînent le spectateur — sûr de rien — dans une perception subjective des espaces, des personnages et des actions.
Une radicale étrangeté demeure, que la définition des images — inédite dans l’œuvre de Corinne Mercadier — ne dissipe pas. Elle s’apparente à la précision propre à certains souvenirs de rêve. La photographie comme surimpression du réel, des sensations et des pensées qui nous relient à lui.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marie-Jeanne Caprasse sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

Mois de la photo. Devant un champ obscur

AUTRES EVENEMENTS PHOTO