Florian Fouché, Franziska Furter, Alexis Guillier
Modules
— Florian Fouché, Constellation basse
Une proposition d’Anne Bonnin
Récemment diplômé de l’Ensba à Paris, Florian Fouché présente sa première exposition personnelle. Etudiant dans l’atelier de Richard Deacon, ce jeune sculpteur, qui pratique aussi la photographie et le dessin, déploie un vocabulaire sculptural diversifié: compositions structurées, souvent par assemblage, présence des matériaux, fabrication faite-main incluant la reproduction d’objets, dialectique entre abstraction et figuration.
Sa proposition pour le Module avec son titre poétique Constellation basse témoigne d’une attention à la mise en relation et en espace des pièces. Apparemment disparates, ses sculptures et ses photographies proposent une promenade hermétique. Les sculptures, qui constituent le corps de l’exposition, composent un ensemble contrasté de formes, de motifs et de textures, chacune émanant d’un univers particulier: ville ou campagne (Dernière Ruche), théâtre (Infernum), architecture inca (Uhccip uhcam/Piccham chuU) ou géométrie rustique (Moule ouvert).
Un dispositif didactique met ainsi en scène l’éclatante simplicité d’une forme bulbaire primitive inspirée d’une tombe inca: une maquette est présentée sur une table à côté de la photographie qui lui a servi de modèle. Au sol, le longiligne Moule ouvert rampe ou s’envole, évoquant une chrysalide entre deux ordres, géométrique et organique, architectural et végétal.
Horizontale, Dernière Ruche est un assemblage équilibriste: tenue par deux sangles, une jardinière fleurie pend sous un vieux banc d’école, sur lequel repose un parallélépipède en bois, une ruche. Infernum dégage une aura de violence: saucissonnée de plastique noir, luisant et froncé, un panneau vertical repose sur un socle rouge à roulettes; cette scène miniature, qui associe la guillotine et le rideau, se dresse aux confins du théâtre et d’un rituel de mort.
Des photographies offrent un horizon réaliste aux sculptures et ancrent leurs formes dans un monde urbain, avec sa part de nature. Les photos focalisent sur des détails, un escalier de profil, une guirlande végétale, un drap suspendu se détachent de leur fond: les formes s’apprêtent à migrer hors de leur contexte.
— Franziska Furter, Squall Lines
Les dessins au graphite, les sculptures et les installations réalisés par Franziska Furter (quasi exclusivement en noir et blanc) laissent apparaître tour à tour des formes abstraites et des paysages dont l’échelle peut être importante.
Inspirée par des images extraites des mangas, de l’univers de la science-fiction, des explosions, mais aussi du quotidien, l’artiste filtre la réalité, la retranscrit en des créations fluctuantes issues du monde végétal et organique, proches des courbes d’enregistrement sonores, ou encore évoluant de manière libre à l’image des nébuleuses. A la fragilité du traitement graphique ou plastique s’oppose le caractère dynamique, mouvant, voire violent, des dessins et volumes créés dont la nature oscille en permanence entre l’organique et l’artificielle.
Pour l’exposition au Palais de Tokyo, Franziska Furter propose une installation inédite. Le support mural est temporairement laissé de côte afin de rejoindre le sol. L’intervention est au premier regard invisible, le geste est discret: une moquette noire recouvre le sol de l’espace d’exposition. Celle-ci masque cependant la présence de morceaux de verre. Lorsque le visiteur évolue à la surface de l’oeuvre, alors l’expérimentation s’active et l’étrangeté opère. A l’image du plaisir que l’on peut ressentir à évoluer à la surface d’un lac gelé – plaisir non dénué d’une certaine inquiétude – l’artiste propose une installation fragile et perturbante.
— Alexis Guillier, Reworks
En 2010, le Module hors les murs investit le vestibule du Palais de Tokyo. C’est à cette occasion qu’Alexis Guillier, actuellement en cinquième année à l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, présente sa vidéo Reworks.
Issu d’un diaporama préalablement conçu pour une conférence, Reworks jette son regard omniscient sur une collecte de représentations d’œuvres d’art victimes d’actes de vandalisme.
Ces destructions sont comme autant de désordres et de dévoilements dans les discours officiels. Au Penseur de Rodin de Cleveland, altéré par une bombe artisanale le 24 mars 1970, d’évoquer une histoire souterraine du terrorisme américain. A la délocalisation des Trois ombres (du même sculpteur), depuis les décombres du World Trade Center jusqu’au Mémorial de Caen, de faire recouvrir à cette sculpture une fonction symbolique insoupçonnée.
Mais au-delà des déplacements qu’il opère, l’artiste dresse une cartographie mentale où rentrent en collision deux temporalités contradictoires: celle d’une défiguration fulgurante venant interrompre l’altération lente et naturelle du temps. Et par le mouvement aléatoire d’un document à l’autre, Alexis Guillier fait vaciller toute appréhension taxinomique de l’art, qu’elle soit chronologique, géographique ou typologique. Image inversée du musée? Musée imaginaire émancipé?