Julian Charrière
Module à la XIIe Biennale de Lyon: Julian Charrière
Expérimentations mêlant méthode scientifique et jeux avec les hasards de la matière, constituent les fondements des manipulations pratiquées par Julian Charrière. Opérant par prélèvements aléatoires, l’artiste capte ainsi une variété de micro-organismes et bactéries dont il domestique le développement, les utilisant comme une palette imprévisible et volatile.
Les œuvres nous révèlent alors les mutations et altérations d’une matière mouvante qui n’est autre que notre environnement, rendu perceptible par l’artiste qui transforme ces organismes en d’énigmatiques et captivantes sculptures. Profane, la démarche de Julian Charrière est celle d’un jeu avec le vivant qui traque et manipule les règles de l´ordre naturel, faisant de l’artiste un architecte des forces et mouvements de l’invisible.
L’œuvre Somehow they never stop doing what they always did (2013), présentée pour la première fois dans l’exposition «Des présents inachevés», est le résultat de dix prélèvements réalisés dans les fleuves à travers le monde, du Danube au Mékong, de l’Euphrate au Congo, du Rhin au Mississipi.
De la célèbre traversée du Rubicon au poème Le Bateau Ivre d’Arthur Rimbaud, le fleuve constitue un élément géographique, politique, poétique et symbolique majeur dans le développement des civilisations. Frontière physique entre deux territoires ou liaison entre deux rives, source de développement économique ou objet de rivalités, lieu d’abordage et lieu de fuite, lieu de vie et lieu de disparition, le fleuve est un élément ambivalent et paradoxal, dont l’existence a toujours été décisive pour l’humanité.
Procédant selon les principes de la recherche scientifique empirique, Julian Charrière crée à cette occasion des rencontres, mêlant les différents prélèvements récoltés dans le monde, et dessinant ainsi une alchimie improbable. Formes de «Tours de Babel», la rencontre de ces prélèvements est inévitablement et biologiquement destinée à une forme de décomposition. Si chacune de ces œuvres se prête à la contemplation du regardeur, sa constitution microscopique n’en demeure pas moins extrêmement anarchique, dans une situation où les micro-organismes étrangers les uns aux autres doivent s’accommoder de cette rencontre, entre assimilation et cannibalisme. Tableau vivant, cette œuvre est en permanente évolution, le mouvement de ses formes et de ses couleurs constituant le révélateur des négociations et luttes se jouant dans les terrains de l’invisible.