Diana, Olga, Ali, Maria Carla, etc. Neuf mannequins, frêles silhouettes au teint de porcelaine, échappent d’un noir argentique sur les murs de la galerie Jousse Entreprise.
Chaque photographie de format panoramique, présente un modèle dégrafé de son contexte originel. Plus de podium, plus de spots, plus de public, plus de marques ni repères du luxe… juste les demoiselles montrées dans leur étrangeté. Toute l’attention se porte alors sur le visage, plus précisément sur son expression.
Regard vide, stupéfaction, férocité, yeux extraterrestres… Les divinités de la mode, ces stars de la mythologie contemporaine, ont toutes en commun un je-ne-sais-quoi d’hypnotisé et de décharné.
Conformes aux critères de l’esthétique libérale, dressées à l’inexpressivité, torturées de trop de jeunesse, les jolis prototypes paraissent ne pas saisir le sens de leur propre élan.
«Obscures objets de désir»? Modèles incontournable de beauté pour la femme contemporaine? Pourquoi? Finit-on pas se demander en observant leur manque de charme et d’érotisme, et la solitude olympienne qui semble les habiter.
Éternisées pour de bon, ces divinités fragiles manifestent dans la beauté glacée des clichés de Franck Perrin, l’angoisse d’une destinée humaine guidée par le total capitalisme.
Avec les «Yachts», Franck Perrin poursuit son enquête en Olympe en s’attaquant à l’hyper luxe des «dieux» du capitalisme. A partir d’un dossier consacré aux deux cents plus gros yachts du monde, il se met en chasse de ce qu’il nomme tour à tour de la «meute» ou du «club social».
L’étude de leurs migrations — des Caraïbes l’hiver à la Méditerranée l’été — le conduit à mouiller son voilier au large de la Corse pour mieux sillonner l’«autoroute» des yachts entre la Corse et la Sardaigne. Il se fait alors paparazzi en quête des signes et preuves de l’exubérance capitaliste. En résultent deux agencements de 28 clichés.
Ponton d’un yacht, arrière pont d’un autre, mer éclatante, jeunes femmes en maillot de bain, coupant avec le design strict des yachts… Chaque élément de l’agencement semble constituer la partie d’une seule et même machine, d’un seul et même yacht malgré leur diversité.
Franck Perrin cristallise ainsi l’extrême conformisme du luxe. Tous les yachts n’en forment finalement qu’un seul comme une chose mentale, monstrueux Moby Dick gonflé de luxe, de vanités et d’obsession consumériste.
«Postcapitalism section 06» reprend deux symptômes déjà modélisés par Franck Perrin dans deux séries distinctes : «Défilés. Postcapitalism section 7» et «Yachts. Postcapitalism section 03» où les mannequins en défilés et les meutes de yachts alignés à l’horizon des ports de plaisance les plus branchés de la planète.
La conjonction des deux thèmes des mannequins et des yachts souligne rappelle les connivences contemporaines entre la politique, la mode et le people.
Les stationnements de meutes de yachts sur les lignes d’horizon, les défilés de mannequins hors du temps, les courses obsessionnelles de Joggers (Postcapitalism section 09), les alignements de marques de luxe dans les quartiers chics du monde (Streets. Postcapitalism 02) : Franck Perrin exprime la monstrueuse trajectoire du postcapitaliste.
Frank Perrin
— Models #01, Diana (Postcapitalism, section 06), 2008. C-print on diasec. 60 x 170 cm
— Models #02, Olga (Postcapitalism, section 06), 2008. C-print on diasec. 60 x 170 cm
— Models #03, Ali (Postcapitalism, section 06), 2008. C-print on diasec. 60 x 170 cm
— Models #05, Karlie (Postcapitalism, section 06), 2008. C-print on diasec. 60 x 170 cm
— Models #06,Tanya (Postcapitalism, section 06), 2008. C-print on diasec. 60 x 170 cm
— The Wall 01, Yachts (Postcapitalism, section 03), 2008. C-print on diasec.