Matthieu Husser
Mobilier urbain, sculpture publique ou monument ?
Le travail de Matthieu Husser prend pour motif la transformation des espaces urbains, que ses voyages l’amènent à explorer ou à revoir au bout de quelques années, dans des oeuvres où se croisent de manière très singulière les voies de la peinture et celles de la sculpture.
«Tout semble partir d’une volonté de matérialiser le vide de l’espace urbain. L’artiste s’interroge sur ce que nous, citadins, pouvons nous approprier du territoire en marge du bâti. Il constate que la ville entière est raisonnée. D’abord par le projet d’architecture, soumis à des orientations fonctionnelles et qui s’inscrit comme une masse dans une parcelle, ensuite par le projet d’urbanisme qui organise les espaces de circulation entre ces différentes masses bâties.
Le plasticien qui considère l’armature de ce planisphère urbain, a sous les yeux une variété infinie de blocs d’espaces bâtis ou non bâtis qui constituent un univers morcelé, intercalaire. L’espace ménagé autour des formes architecturées semble les maintenir intactes, les englober et être le garant de leur fixité. Il s’aperçoit que le respect ou l’annulation du vide génère deux ordres de figures intimement imbriqués. C’est bien du vide dont il s’agit car c’est dans cet espace vrai que s’exerce son art, celui-là même où se meut notre marche et qu’occupe l’activité de notre corps.
L’artiste intervient souvent dans ces endroits charnières entre deux histoires, entre le passé et le futur de ces secteurs à fort potentiel urbanistique qui offrent une multitude de possibles à la boulimie constructrice. C’est ainsi qu’il a travaillé sur les quartiers créés par la destruction de mur de Berlin, ces nouveaux vides où son oeuvre témoigne de la frénésie d’urbanisation de ces zones vierges. Combler les vides de la ville comme pour combler les vides d’une Histoire douloureuse.
Si les réalisations de ce plasticien se révèlent d’abord dans la matière et dans la forme, elles ne peuvent laisser indifférent dans le sujet. Bien qu’ils soient publics et usuels, ces espaces sont avant tout des lieux chargés du vécu collectif d’une ville. Chaque oeuvre prend une valeur narrative, commémorative, une connotation subjective pour celui qui en observe la forme et le fond. C’est alors qu’elle s’affranchit de son auteur. L’œuvre plastique toute entière échappe à l’artiste pour prendre une forme nouvelle dans l’esprit du spectateur dont le regard lui imprime les contours de sa propre expérience de la ville.
A l’image d’un itinéraire de vie, le travail de Matthieu Husser s’est déplacé progressivement, de la façade à la rue, de la rue au quartier, du quartier à la ville. Sa problématique plastique a, de la façon la plus logique, suivie la même progression de la couleur à la forme, de la forme à l’espace et de l’espace au volume.» (Extrait de La Ville comme support de Marina Martinez.)