Dans un monde où le capitalisme, comme structure économico-sociale, est de plus en plus répandu, les frictions et étincelles sont autant susceptibles de venir de l’intérieur que de l’extérieur. Avec We are not going back (2019), le chorégraphe syrien Mithkal Alzghair (Cie Hek-Ma) questionne la corporéité de cette réalité. Sur une scène dépouillée, cinq danseurs — Annamaria Ajmone, Mirte Bogaert, Judit Dömötör, Yannick Hugron et Samil Taskin — évoluent lentement mais sans répit. Gestes ondoyants, visages neutres, parfois gracieux, parfois chancelants ou heurtés, les corps dessinent un paysage humain. Comme au ralenti. Ou comme une foule pacifique et déterminée face à un mur, face à la police. Histoire de corps sous surveillance, de corps contrôlés, avec We are not going back Mithkal Alzghair interroge l’empreinte de la surveillance sur les corps. L’emprise de la sécurité sur l’humanité de chaque individu. Mais pour autant, les corps n’en continuent pas moins de se mouvoir.
We are not going back de Mithkal Alzghair : la danse des corps sous surveillance
Déplacements surveillés à l’intérieur d’un système, ou migrations pour échapper à un système policier particulier — pour mieux en retrouver un autre… Les sociétés contemporaines entretiennent des liens ambigus à la liberté de mouvement. Désirés, non désirés… Dans cette économie du mouvement, les personnes migrantes occupent une place particulière. Avec d’un côté la structuration autour de valeurs remparts comme la liberté et l’égalité, et de l’autre la mise en place de mécanismes de surveillance toujours plus serrés. Vivant en France depuis 2010, la danse de Mithkal Alzghair est hantée par la réalité, politique et sociale. Telle qu’elle se manifeste ou s’empare de chacun, au quotidien. Mais elle est aussi traversée par une recherche d’équilibre. « De la violence vers le soin des autres, de l’abandon à la lutte, du conflit vers l’harmonie, il n’y a que de minces frontières ». Des frontières que questionne Mithkal Alzghair.
Des déplacements entravés à la réinvention d’une liberté de mouvements utopique
Sur une création musicale de Shadi Khries, les corps semblent danser ce rapport ambivalent au monde. Musicien d’origine jordanienne, Shadi Khries oscille entre rythmes électros pulsés et instruments acoustiques (oud, bouzouki). Avec des nappes aériennes, inspirées par le désert. Et du corps sous contrôle, surveillé, quadrillé, au corps cherchant une forme d’humanité plus souple, We are not going back explore les possibles. Lieu de démonstration, de lutte, sur scène se dévoilent soudain les idéologies corporelles progressivement acceptées, au nom de la sécurité. Ces gestes susceptibles de menacer l’intégrité, mais que chacun finit pourtant par adopter. Comme le fait de de s’exposer quotidiennement au contrôle des regards, des armes ou des machines. Mobilisant cinq danseurs de nationalités différentes, tous semblent converger vers un même idéal de liberté. Un désir d’autant plus fort que se renforcent les barbelés, à travers le monde.
À découvrir en première internationale au festival Montpellier Danse 2019.