Miroslav Tichý
Miroslav Tichý
Le Centre Pompidou présente pour la première fois en France l’oeuvre photographique de l’artiste tchèque Miroslav Tichý, artiste hors norme aujourd’hui âgé de plus de 80 ans. Son oeuvre, découverte par le grand public en 2004, lors de la Biennale de Séville, à l’initiative d’Harald Szeemann, révèle un talent singulier, marginal et monomane, aux images inclassables et intemporelles.
L’exposition rassemble une centaine de photographies et quelques appareils photographiques, en provenance pour l’essentiel de la Fondation Tichý-Ocean, ainsi que des oeuvres de la collection du Centre Pompidou. Elle est accompagnée d’un catalogue publié par les éditions du Centre Pompidou qui constitue le premier ouvrage sur Miroslav Tichý disponible en français.
Né en 1926 en Moravie, fils unique d’un tailleur, formé dans l’immédiat après-guerre à l’Ecole des Beaux-arts de Prague, Miroslav Tichý a entamé une carrière de peintre, marqué par les influences de Picasso, Matisse et des expressionnistes allemands. La prise du pouvoir par les communistes en 1948 le conduit à adopter une position de repli.
De retour dans sa ville natale de Kyjov, ayant quelque peu délaissé la peinture, il s’initie, au milieu des années cinquante, à la photographie, qu’il réinvente de toutes pièces, construisant notamment ses propres appareils ainsi que son matériel de développement à partir de matériaux au rebut, boîtes de conserve, verres de récupération, cartons à chaussures.
Pendant presque trente ans, jusqu’à la fin des années quatre-vingts, faisant le choix de l’isolement social et culturel face au régime alors en place, il réalise quotidiennement plusieurs dizaines de clichés, ayant pour principal sujet les femmes de Kyjov. Son comportement volontairement marginal, farouchement indépendant, à rebours de l’idéologie du progrès socialiste alors en vigueur, lui vaut des difficultés récurrentes avec les autorités de l’époque, qui prennent la forme de divers internements en établissements psychiatriques dans les années 1960 et 1970 et d’une expulsion de son atelier en 1972.
Ses images, réalisées de manière instinctive ou mécanique avec des appareils bricolés, des optiques approximatives, proposent une vision extraordinaire d’une réalité érotisée et fantasmatique, mi réelle mi onirique: femmes à la piscine, femmes dans la rue, femmes en intérieur, ou saisies sur des écrans de télévision, constituent son sujet unique et obsessionnel.
Les images tirées et agrandies par ses soins sont souvent ensuite retouchées, montées et encadrées sur des matériaux pauvres, journaux, cartons, et parfois ensuite abandonnées plusieurs années dans son atelier.
Sous ou sur-exposées, rayées, floues, déchirées, tachées, elles révèlent néanmoins un artiste inclassable, marqué par de fortes influences picturales classiques mais dont la méthode s’apparente parfois à certaines pratiques amateur et de l’art « outsider ». Par l’inlassable recours à un seul et même thème, par l’abondance et la régularité de la production, son travail entretient également des affinités avec bien des démarches de l’art contemporain des mêmes années.
critique
Miroslav Tichý