ART | EXPO

Mieux vaut être un virus que tomber malade

20 Sep - 26 Oct 2008
Vernissage le 19 Sep 2008

"Hacking", "lettre de non-motivation", "free-party", imposture, parasitage, sont autant d’outils critiques, de modes de résistance pour les artistes contemporains, et posent la question des alternatives possibles aujourd’hui.

Allora & Calzadilla, Fayçal Baghriche, Jean-Baptiste Bayle, Julien Berthier, Matthieu Clainchard, Wim Delvoye, Johanna Fournier, Leopold Kessler, Matthieu Laurette, Seulgi Lee, Cildo Meireles, Jean-Luc Moulène, Anthony Peskine, Frédéric Pradeau, Julien Prévieux, Santiago Sierra, Wolf von Kries et Carey Young
Mieux vaut être un virus que tomber malade

« There is no alternative », Margaret Thatcher, 1980.
« Désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit », Nicolas Sarkozy, 2008.

En référence au mot d’esprit de Wim Delvoye, l’exposition « Mieux vaut être un virus que tomber malade » s’intéresse aux modes de résistance et pose la question des alternatives possibles aujourd’hui.

À l’heure où l’hypercapitalisme semble être le seul système économique envisageable, l’engagement politique des artistes contemporains se différencie des démarches activistes des années 70 : moins marqué, moins frontal, leur positionnement critique est plus difficile à cerner.

Utilisant des stratégies d’infiltration, les artistes réunis pour l’exposition opèrent dans le quotidien et imaginent autant des objets que des situations visant à améliorer le monde ou à le révéler.

En dépassant le monde de l’art, les oeuvres se mélangent au réseau social et économique et agissent directement sur le réel. Sans prétendre apporter de solution, ces oeuvres fonctionnent par dérèglement, déstabilisation ou court-circuitage. Très présent, l’humour est utilisé comme un outil critique au service d’une intention néanmoins très sérieuse.

À la fin de ses études, l’artiste Julien Prévieux cherche du travail : il épluche les petites annonces et rédige des lettres de motivation. Déçu de recevoir sans cesse des réponses négatives sous forme de lettres types, il décide d’envoyer des lettres de « non-motivation » dans lesquelles il argumente les raisons qui le poussent à décliner les offres d’emploi.

Huit ans plus tard, Prévieux détient une collection de mille lettres dont un ensemble vient d’être publié. Ironie du sort : son livre se retrouve vendu dans certaines librairies au rayon des ouvrages d’aide à la rédaction de lettres de motivation. Non identifiées en tant qu’oeuvres, les lettres de « non-motivation » agissent véritablement comme un virus et proposent une alternative au langage formaté du marché de l’emploi.

Expert en infiltration, Matthieu Laurette s’immisce dans plusieurs émissions de télévision en ne dévoilant pas son statut d’artiste. Poussant la logique médiatique et capitaliste jusqu’au bout, l’artiste a aussi largement diffusé sa méthode pour « manger remboursés ».

De la même manière, Wim Delvoye crée en 2004 une obligation avec les étrons de « Cloaca », sa célèbre machine reproduisant le système digestif humain. À l’aide de ses avocats, l’artiste a mis plusieurs années avant de convaincre la chambre bancaire belge de valider la capitalisation d’une entreprise basée sur la valeur des merdes.

Cildo Meireles utilise également les infrastructures économiques pour faire passer son message : l’artiste achète des bouteilles de coca-cola pour les marquer du slogan « Yankees go home! » puis les réinsère dans les supermarchés brésiliens.

Adoptant la même stratégie du grain de sable, Frédéric Pradeau affiche en plein coeur du quartier chinois de Belleville la loi des 35 heures traduite en chinois.

C’est aussi dans l’espace public qu’Anthony Peskine opère en collant des affiches sur lesquelles sont inscrits les mots « OU PAS » à la fin de phrases déclaratives telles que « ensemble tout devient possible » figurant sur des panneaux publicitaires. En se plaçant du côté de l’énonciateur, l’artiste, avec ces deux simples mots, met en doute la rhétorique commerciale.

Julien Prévieux retourne également la balle à l’envoyeur à la manière du boomerang de Wolf Von Kries en recueillant les empreintes de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’intérieur en pleine campagne de renforcement des moyens de contrôle.

L’utopie peut parfois activer cette confrontation au réel : Julien Berthier imagine le véhicule « Parasite » un moyen de transport alternatif. Pour se déplacer, il faut se greffer à l’arrière d’une voiture ou se brancher à une prise électrique mais dans les deux cas négocier avec le conducteur ou le propriétaire de la prise.

Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla créent un moyen d’expression collectif en plaçant lors de la Biennale Ibéroaméricaine de Lima d’énormes bâtons de craie afin de recueillir les protestations des habitants.

« Susciter la parole publique », c’est aussi l’objectif de Jean-Luc Moulène avec ses « Objets de grève » : l’artiste présente des objets produits et transformés à l’occasion de luttes sociales menés par les ouvriers lors des grèves.

Carey Young propose un projet utopique et éphémère en installant sur la place publique un stand de «résolution de conflits» tenu par des professionnels dont l’activité est d’ordinaire réservée à l’entreprise.

Santiago Sierra déplace et amplifie la protestation des citoyens argentins tapant sur des plaques de métal en réaction à la loi interdisant l’épargne et l’investissement au-delà de 250$. Le 7 septembre 2002, l’artiste a enregistré les sons des manifestations et en a distribué des milliers de copies afin de les passer de manière simultanée dans les grands centres financiers tels que Londres, Vienne, Francfort, New York et Madrid.

Invité en 2007 à la biennale de Sharjah et logé à cette occasion dans un hôtel luxueux, Leopold Kessler mit en place un système qui lui permit de vider l’eau de la piscine de l’hôtel pour la redistribuer dans la rue.

Agissant comme un hacker, Jean-Baptiste Bayle crée « My own Space », un espace alternatif crée sur le modèle de Myspace où publicités et liens sponsorisés renvoient à des projets artistiques ou activistes.

En réaction à la loi interdisant les « free-party », Matthieu Clainchard participe à l’organisation de « free-party » dans les supermarchés. Sous le nom de Paul Tourtelle, il invite une cinquantaine de personnes à venir faire une performance à la même heure dans l’enceinte d’un supermarché parisien.

Seulgi Lee déambule dans les rues de Corse avec une cagoule sur la tête et explique aux nationalistes agacés qu’elle agit pour la liberté des femmes afghanes.

La création de lien social est souvent le moteur de ces interventions : Johanna Fournier imagine un belvédère pour faciliter le contact avec ses voisins et Fayçal Baghriche, à la recherche d’un emploi, lit son curriculum vitae dans une rame de métro.

Ne pas subir la vision dominante et expérimenter concrètement des alternatives : c’est dans cet esprit que les artistes de « Mieux vaut être un virus » que tomber malade interviennent dans l’espace social ou économique et témoignent d’un réel engagement politique.

Ni pour ni contre, leur engagement est autant sérieux qu’ironique, utopique que désillusionné. L’exposition donnera lieu à un cycle de rencontres, conférences et projections tous les dimanches, un journal de l’exposition sera publié au fur et à mesure des événements.

Evénements
Dimanche 21 septembre : la fin de la promesse
Visite avec les artistes Anthony Peskine et Johanna Fournier
Projection « mieux vaut être un virus que tomber malade »

Dimanche 28 septembre : double lecture
Visite avec Hugo Roger, régisseur de l’exposition
Adieux à la dialectique, I, par Manuel Cirauqui, critique d’art et commissaire d’expositons

Dimanche 5 octobre : offre publique d’art
Visite avec l’artiste Matthieu Clainchard
Rencontre avec :
– Catherine Gier, artiste et chef du projet OPA,
– Komplot, collectif de curateurs créé à Bruxelles en 2002
– Géraldine Longueville (la Galerie extérieure)

Dimanche 12 octobre : les Spécialistes
Visite avec le scientifique Emmanuel Ferrand
Rencontre avec les artistes Julien Berthier, Simon Boudvin, le critique d’art Clément Dirié et l’historien d’art Paul Ardenne

Dimanche 19 octobre : créer, c’est résister
Visite avec l’historienne d’art Hanna Alkema
Projection du film Deleuze Monument de Coraly Suard et rencontre avec l’artiste Thomas Hirschhorn

Dimanche 26 octobre : cuando la fe mueve montañas
Visite avec Fazette Bordage, présidente de Mains d’OEuvres
Projection du film « When Faith Moves Mountains » de Francis Alÿs présenté par Florence Ostende suivie d’une fête de finissage
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