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Midwest

«Midwest» réunit trois jeunes illustrateurs de la scène nord-américaine plutôt habitués aux pages des fanzines qu’au White cube des galeries. Jeffrey Brown, Paul Hornschemeier et Andres Nilsen jouent pourtant habilement le jeu sans se départir de la fraîcheur des récits qui habitent leurs planches.

Pourquoi réunir ces trois artistes ? Parce qu’ils sont le cœur palpitant de la jeune bande dessinée indépendante aux États-Unis, adoubés par leurs aînés (Chris Ware en tête) et dont le travail commence à pointer le nez en France, notamment chez Actes Sud et Ego comme X, deux maisons d’éditions habitués aux sauts dans l’underground US.
Mais aussi parce qu’ils travaillent ensemble ou, pour le moins, collaborent à un projet commun arrêté sur le net, The Holy Consumption (en compagnie d’un quatrième comparse, John Hankiewicz). Une aventure qui les amène à publier des travaux en cours, joli mélange de narrations suspendues et de crayonnés délicats.
Ou pour une autre raison encore, la plus essentielle: parce qu’ils ont tous les trois un mot à dire sur le Midwest, cette Amérique paradoxale de la grande industrie et de la grande ruralité, des grandes plaines asséchées par les vents et des grands lacs courant jusqu’au Canada voisin. Leur dessin porte en fond ces paysages chargés de cette réalité et des mythes qui l’accompagnent.

Anders Nilsen plonge ses personnages dans des No Man’s Land balayés par le vide. Batman et Volverine, parmi d’autres ermites disgracieux, se retrouvent accompagnés d’objets impossibles comme des pancartes défoncées, des gouttières et des téléphones posés simplement au sol. Le temps de tromper provisoirement la mort et de s’évanouir dans le dessin épuré de l’auteur.

Paul Hornschemeier s’appuie sur le General Grant, figure de la Guerre de Secession et du parti Républicain. Il en fait un personnage en proie à ses doutes et ses visions, plié par le poids de l’Histoire et des mythes. Le dessin de Paul Hornschemeier le capte dans ses maladresses de névrosé, happé par les objets les plus insignifiants ou par les grandes forces de l’esprit, à quatre pattes au pied d’une bouteille, en lévitation habillé d’un simple pyjama: une icône fatiguée en quelque sorte, entre fiction et réalité.

Jeffrey Brown flirte lui aussi dans cet entre-deux. Ses illustrations mettent en scène son double, maladif, torturé, étonné de plaire aux filles. Un personnage attachant, drôle dans son apathie et son manque de charisme, qui doit se frotter à des situations anodines pour beaucoup mais ressemblant pour lui à des montagnes. Il se noie donc gentiment dans le ventre de Chicago et même, lorsqu’il en sort, dans l’extravagante nature qui le borde.

Félicia Atkinson livre ici trois visages de Chicago et de son Midwest, aux antipodes du «Comics Heros» américain. Les siens sont plutôt ventrus ou malades, discrets au point de s’effacer derrière la prodigieuse force des paysages qui les entourent. De quoi les rendre d’autant plus attachants et familiers, résolument underground.

Anders Nilsen
Batman and Wolverine, 2007. Encre sur papier.

Paul Hornschemeier
Mental Ulysses (In War Time), 2008. Stylo et encre sur bloc Bristol.

Jeffrey Brown
Missing The Mountains (sketchbook), 2008. Crayon sur papier, 21 x 14 cm 

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