Avec Ben & Luc (2018), le chorégraphe Mickaël Phelippeau (Cie bi-p) livre un duo chorégraphique sensible. Écrit pour, et avec, les deux danseurs et chorégraphes burkinabés Ben Salaah Cisse et Luc Sanou, Ben & Luc s’appuie sur le parcours des deux danseurs. Dans le travail du chorégraphe Mickaël Phelippeau, le portrait croisé joue un rôle fondateur. Le processus du bi-portrait, une démarche à l’origine photographique, fonctionne ainsi comme une façon d’aller vers. Une mise en mouvement, un « prétexte à la rencontre ». En 2014, Mickaël Phelippeau rencontre pour la première fois les danseurs Ben Salaah Cisse et Luc Sanou. Leurs chemins se recroisent en 2016, lors d’un festival au Burkina Faso. Une nouvelle rencontre qui s’affirme sous les traits d’un duo chorégraphique. Avec la présentation d’un extrait sur la Place de la femme de Ouagadougou. Sensible, sensuel, lent et délicat, le duo met l’accent sur les portés.
Ben & Luc de Mickaël Phelippeau : un duo chorégraphique au long cours
Comme l’explique Mickaël Phelippeau, la pièce met l’accent sur la qualité des contacts et du toucher, sur l’attention portée à l’autre, au corps de l’autre, à sa peau. Il est question d’amour, d’amitié, de fraternité, d’intimité. L’accueil réservé à cet extrait, en 2016, avait été bienveillant et chaleureux. Mais, toujours selon Mickaël Phelippeau, le directeur du festival Rendez-vous chez nous, Boniface Kagambega, lui avait néanmoins signalé que cette texture chorégraphique, en place publique et entre deux hommes, auraient pu être assez mal reçue. Une mise en danger alors sciemment endossée par Ben Salaah Cisse et Luc Sanou. Et cet engagement, délicat et ferme, donne à son tour sa pleine saveur au projet chorégraphique Ben & Luc. Présenté en première lors du festival d’Avignon 2018, le duo propose un portrait croisé où s’entremêlent danses traditionnelles africaines et danses contemporaines. Où complicité et confrontation s’alternent, dans une joute chorégraphique sensible.
Ben & Luc : le bi-portrait sensible de Ben Salaah Cisse et Luc Sanou
Processus au long cours, Ben & Luc n’est pas coupé de l’actualité. Depuis la fin des années 2000, le Burkina Faso connaît, comme beaucoup de pays, des tensions fortes. Paupérisation, émeutes, attentats, coup d’État avorté (septembre 2015)… Portrait intimiste, le duo Ben & Luc n’en est pas moins une ouverture sur la façon dont les artistes Ben Salaah Cisse et Luc Sanou perçoivent, jusqu’en leur corps, les événements contemporains. Notamment au travers des liens entre le Burkina Faso [pays des Hommes intègres, en mouré et dioula] et le « pays des droits de l’Homme » [alias la France]. Une dialectique entre particulier et général qui intéresse le chorégraphe Mickaël Phelippeau, également attaché à la notion de durée. Et plutôt que de composer des peintures d’Histoire, il propose des bi-portraits chorégraphiques où se déploient les histoires vécues. Pour un pièce poétique, sensuelle, avec des corps qui se portent et s’emportent.