Communiqué de presse
Ymane Fakhir, Michèle Sylvander
Michèle Sylvander, Ymane Fakhir
Ymane Fakhir et Michèle Sylvander sont deux photographes aux passés différents mais à l’inspiration similaire: elles ont toutes les deux puisé dans leur vécu familial pour réaliser les séries de clichés exposés à la galerieofmarseille.
Un monde presque parfais est une série de dix photographies réalisées par Michèle Sylvander. Celle-ci a commencé à travailler à partir de photos de familles dérobées à sa mère, puis avec des snapshots rapportés par ses amis. Souvent des images d’enfances et des souvenirs de vacances arrachés aux albums de famille.
Faux-semblants de la reproduction, de la colorisation, de l’agrandissement, ou de l’accrochage en hauteur mettent à distance la photo de famille, la reconstruisent, perturbent le pacte généalogique, cassent la limite entre le privé et le public, contaminent les apparences heureuses de l’album et tout à la fois mettent à nu la tromperie, l’hypocrisie, les faux-semblants ordinaires du récit familial.
La fausse mère apporte le café, le faux mari dort sur la terrasse, tout va bien. La fausse jumelle regarde l’objectif.
Supercherie ou « vraie » photo de famille ? Remake d’une image de l’album ou petite allégorie de l’harmonie du couple idéal (le couple de l’autre famille), se mettant lui-même en scène, comme pour brouiller les pistes et donner le change ?
Si elles fonctionnent à l’inconscient, ses photos reconstruites mettent aussi à l’épreuve, dans ses grandes dimensions, la peinture des apparences.
La question de la différenciation sexuelle est également partout présente, notamment avec le cliché tant pis pour nous, représentation d’une femme au torse d’homme.
Ymane Fakhir expose elle aussi deux séries de travaux. Réalisés entre 2005 et 2008, Le Trousseau et Le Bouquet représente la transition de la fille à la femme, celle que l’artiste aurait pu être, et celle qu’elle est devenue, transition d’une génération à l’autre, de l’enfant à la mère, transition enfin du souvenir d’une vie future qui semblait imposée, à un héritage choisi et apprivoisé au fil des images.
Quand sa fille a huit ans, la mère d’Ymane commence à constituer son trousseau ; des bijoux aux torchons, elle rassemble tout ce dont sa fille aura besoin, une fois mariée, lorsqu’elle entrera dans une autre famille, un autre clan.
Mais l’artiste a choisi une autre voie que celle qui devait lui être imposée, un autre parcours, un autre pays. Elle se retrouve alors avec un monceau d’objets devenus inutiles, si touchants pourtant, si pleins d’une affection sans limites.
A ce débordement d’émotions, Fakhir oppose la méthodologie clinique de l’inventaire. Dans la série Le Trousseau, les objets sont isolés, photographiés sur fond blanc comme des spécimens, hors contexte, libérés du sentimental souvenir. Ils acquièrent ainsi une présence sculpturale. L’objet n’est plus un cadeau, mais une forme qui se découpe dans l’espace.
Pour la série Le Bouquet, l’artiste se concentre sur les exubérantes compositions florales qui accompagnent les noces. Comme pour le trousseau et les tenues de mariage, la beauté passe par l’excès ; plus la composition est chargée, plus le bouquet est somptueux, désirable. Les feuilles de cactus sont changées en coques d’argent, les fleurs jaillissent en touffes, et le spectateur est convié, grâce à un cadrage précis et resserré, au coeur de cette jungle odorante.
Pourtant les bouquets semblent aussi tristement mélancoliques. Peut-être est-ce parce qu’ils rappellent un peu les gerbes qui ornent en France les cimetières, ou alors à cause du sentiment de claustrophobie de leurs suffocantes enveloppes de cellophane.
Ils commémorent une fin tout autant qu’ils célèbrent un début, ils cristallisent une transition.