Michel Parmentier
Dans son premier texte sur Bram van Velde, Samuel Beckett remarque «un usage méprisant de moyens souverains». C’est cette même dénonciation d’une trop grande souveraineté qui caractérise les œuvres sur papier de Michel Parmentier.
Le support, des rouleaux de papier on ne peut plus modeste qui font d’abord penser à ceux de la peinture orientale où l’espace aussi se fonde sur les vides et les pleins. La méthode, le pliage d’abord comme seule appréhension possible de la surface à couvrir; puis ces simples traits de crayon, banalisés, répétés sans système qui les ferait dévier vers un art du concept, mais sans élégance par trop esthétique ou calligraphique.
C’est cet équilibre infime que recherche ici Michel Parmentier. Déjà , en négligeant de modifier depuis 1983 la couleur chaque année, il signalait par l’abandon de ce souci un peu didactique qu’en dépit de l’évidente ressemblance quelque chose s’était modifié dans la peinture. Avec les griffonnages, il s’agit d’appauvrir en répétant un geste quasi identique, d’évidence non-expressif, non-communicatif, de prendre le risque d’en dire plus, d’en montrer plus, tout en parvenant à un résultat moins décisif que les toiles bicolores devenues, il est vrai, avec le temps, des «classiques».
Face à ce qui se dérobe, comme l’écrit Michel Nuridsany, face à ce qui se laisse dominer au lieu de dominer, le regard comme les mots restent démunis tant ils ont pris l’habitude d’œuvres d’art impérieuses et grandiloquentes. Que l’on s’entende: il ne suffit pas d’humilier le geste artistique pour lui retrouver un sens. D’aucuns trouvent dans leur certitude une vérité plastique. Mais ce que Parmentier propose désormais, dans l’à -peine exprimé, est exceptionnel de lucidité quant à une autre façon d’exister comme peintre, quant à la frontière qui est sienne entre le dit et le non-dit, le visible et l’occulté.
Il y avait le geste illisible d’un recouvrement uniforme au pistolet de la surface pliée, geste lyrique, comme l’écrit avec ironie Michel Parmentier, qui s’achève lorsque l’espace tronqué de la peinture est intégralement couvert. Les coups de crayon répétés, saccadés, représentent, et là encore c’est le peintre qui parle, une conceptualisation de l’aplat. Parce qu’il devrait exprimer et qu’il est neutralisé, parce qu’il prend le risque de dire et qu’il ne dit pas (par ce qu’il prend le risque de dire et qu’il ne dit pas) ce geste constitutif désormais d’œuvres qui à nouveau se ressemblent et ne sont pas semblables, n’en dit que plus le silence, la non-communication de la peinture.