L’exposition de Michel Huelin s’ouvre sur une double projection. Le visiteur est accueilli par un son provenant de cette vidéo à double entrée, à double fenêtre: Eau stagnante. Un son de souffle, un râle se fait entendre. Une respiration inonde l’espace. Une inspiration, une expiration se laissent entendre. Une musique organique, humaine, berce le regard, sur ce tableau double. La vidéo diffuse en boucle sur la gauche une sorte d’île montagneuse qui apparaît et disparaît sous les flots. La marée vient et va au gré des courants. Sur la partie droite, l’image avance et recule successivement dans une cavité qui se dresse dans une forêt. Associé à la musique lancinante, l’effet de va et vient entre le proche et le lointain est efficace et donne une sensation de flottement.
L’effet de vibration, qu’il soit numérique comme dans la vidéo réalisée en images de synthèse, ou sonore avec le jeu d’inspiration et d’expiration, se retrouve dans les toiles de cet artiste qui passe sans complexe de la peinture à la vidéo. La vibration picturale est obtenue grâce à une touche colorée et diluée. La peinture se répète sur plusieurs bandes qui sont de plus en plus claires. Un jeu d’irisations s’opère par ces dégradés successifs. Pour le spectateur un va et vient s’engage devant la toile pour trouver la bonne distance. Il faut faire une mise au point, il faut aller et venir comme dans la vidéo pour capter l’image. Le spectateur est obligé de corriger sa place face à ces compositions lumineuses, réfléchissantes et ondulantes.
Les motifs peints sont empruntés au monde médical. Des photos de vaisseaux sanguins, de cerveaux, servent de modèles. L’artiste les retouche d’abord sur ordinateur. Il manipule les couleurs, les formes qu’il souhaite transférer et revoir sur sa toile. Devant ces formes simples et répétitives, ces courbes sinueuses et dissolues, ces arabesques organiques et végétales, une expérience de la sensation et du méandre s’offre à nous.
Les toiles sont à la croisée de plusieurs chemins, de plusieurs domaines de compétences. L’imagerie médicale rencontre une pratique picturale lisse, sans bavure, impeccable, que l’on peut croire fabriquée, éditée par ordinateur. Cette peinture s’inscrit dans une histoire de l’art passée et récente. Elle fait autant référence aux premières peintures d’anatomies, qu’aux récents travaux sur le corps et son intériorité. Mais loin de l’art des viscères et de l’hémoglobine, loin de toutes formes de provocation à la Hirst ou à la Delvoye, Michel Huelin explore le corps humain et l’expose pour en extraire des formes et des couleurs.
Le rapport qu’il entretient entre la science et l’art, est celui qu’il entretient entre le proche et le lointain. Ces peintures empruntent autant à l’imagerie des organes qu’à celle des photos aériennes. A travers les méandres sanguins, en parcourant les caillots de sang, on se prend à rêver de survoler le delta du Mékong, ou les affluents de l’Amazonie.
Pris entre le haut et le bas, la profondeur et la surface, le proche et le lointain, le spectateur comme le tableau sont pris dans une position du reflet et du changement.
— Eau stagnante, 2001. Vidéo.
— Oh Mein Papa, 2001. Vidéo.
— Série Brain, 2002. Alkyde sur dibond. Dimensions variables.
— Série Organe, 2002. Alkyde sur dibond. Dimensions variables.
— Série Vaisseaux, 2002. Alkyde sur dibond. Dimensions variables.