Les Arts décoratifs de Paris accueillent pour la première fois au sein du Musée de la publicité, une rétrospective de l’œuvre de l’affichiste polonais Michal Batory. Né en 1959 à Lodz, l’artiste travaille en France comme graphiste depuis 1987.
On pénètre immédiatement dans l’intimité créatrice de Michal Batory. La première salle de l’exposition reconstitue sa maison/atelier. Nous voilà plongés au milieu d’objets hétéroclites : photographies, affiches, livres, un vélo, mais aussi une camisole de force, des ailes d’ange ou encore une étrange couronne surmontée de verres à ballon. Un vrai inventaire à la Prévert ! Il n’y a plus de doute possible, nous sommes bien au cœur de l’univers fantaisiste et poétique de Michal Batory. En s’approchant mieux, nous découvrons une valise pleine de sable où se devine un visage, à la manière d’un tout petit jardin zen. En réalité, il s’agit de la maquette ayant servi à l’élaboration de la couverture de Walkirie, le livre de Paulo Coelho. De la même façon, les deux cotons-tiges et le diapason réunis dans un cadre sont à l’origine d’une affiche pour la saison musicale de l’IRCAM…
Nous comprenons très vite que tous ces objets sont les sources d’inspiration directes de l’artiste pour la réalisation de ses photomontages. On ne sait plus où donner de la tête, tellement il y a d’objets mystérieux et déroutants. Au centre de la pièce, une vitrine rassemble les instruments de musique composés d’éléments végétaux correspondant chacun à une variante de l’affiche de l’Orchestre de Paris pour la saison 2010/2011.
Plus jeune, Michal Batory voulait être graveur. Au début des années 1980, il dessinait près de six heures par jour, essentiellement des portraits au fusain. Mais la gravure ne lui apporte pas satisfaction, sa diffusion et sa communication auprès du public est trop restreinte du fait du petit nombre d’exemplaires produits. Il se tourne alors vers l’affiche.
Plusieurs de ses albums de croquis, présentés sous verre ou par l’intermédiaire d’un film, renseignent sur les étapes du processus créatif. L’artiste se documente beaucoup sur le sujet à représenter, réalise quelques croquis préparatoires, puis conçoit enfin la photographie, le photomontage, l’objet, illustrant le mieux le thème proposé. Le travail de Michal Batory se situe à la croisée de la tradition des affiches polonaises et du surréalisme. Par la rêverie et la poésie, il métamorphose les objets du quotidien et leur confère une inquiétante étrangeté. Chaque affiche devient un jeu de références littéraires ou musicales à décoder.
Les salles suivantes réunissent par thème des affiches grand format : la danse, la musique, le théâtre. Deux salles supplémentaires regroupent exclusivement le travail de Michal Batory pour le Théâtre national de Chaillot (2001-2009), et une dernière celui produit pour le Théâtre de la Colline (1993-1997).
Dans la salle consacrée à la musique, en plus des affiches présentées au mur, on peut voir un film résumant la construction de la Kalachguitare, créée en 2010 pour l’album Rosa la Rouge de Claire Diterzi et Marcial de Forzobo. La vidéo est projetée au sol sous la vitrine de l’objet. De 1996 à 2002, Michal Batory a également collaboré avec l’IRCAM, réalisant des images ludiques pour réduire le fossé entre la musique contemporaine et le public non averti. Pour la danse contemporaine, il crée les affiches du festival Agora, ou celles du centre d’art d’Enghien-les-Bains. Dans le cadre de ses réalisations pour le Théâtre national de Chaillot, il conçoit toujours ses projets en lien étroit avec le chorégraphe et le metteur en scène, dans un souci de documentation précise.
Dans le couloir desservant les salles thématiques, sont exposées ses pochettes de disques pour Radio France. Pour la collection MFA (2001-2008), il réalise un jeu de typographie en plumes colorées, cire de bougie, gouttes d’eau, sable, fils barbelés… La collection Signature présente quant à elle des pochettes calligraphiées avec les doigts ! Chaque disque est illustré d’une lettre, issue du titre complet.
Depuis 1995, Michal Batory réalise aussi toutes les couvertures des ouvrages de Paulo Coelho, édités en Pologne par Drzewo Babel, dans un style toujours aussi reconnaissable. Depuis 2010, il collabore également avec Flammarion, pour la collection Librio, dépoussiérant l’image des classiques de la littérature. Comme Cyrano de Bergerac, dont l’ombre du nez, est projetée sur un livre ouvert…
Les affiches thématiques sont exposées dans les vieilles salles non restaurées du musée, sur les murs mis à nu. Comme dans un théâtre, l’éclairage est fourni par des projecteurs, disposés sur des ponts métalliques. Au centre de chaque pièce, trois affiches sont regroupées et suspendues au plafond. En déambulant d’une salle à l’autre, on s’amuse à y retrouver les objets étonnants découverts au début de l’exposition, les associant ainsi à une pièce de théâtre, un concert, un festival, un lieu culturel…
Par cette rétrospective, la première dans un musée français, Les Arts décoratifs rendent hommage au travail original et prolifique de Michal Batory. Son œuvre poétique et surréaliste s’inscrit pleinement dans la création contemporaine par ses collaborations avec le théâtre, la danse et la musique. Ses affiches, largement diffusées par le biais de la communication publicitaire, sont devenues célèbres alors que son nom reste inconnu du grand public. Espérons que cette exposition palliera ce manque…
Michal Batory
― Affiche pour Hamlet de Hubert Colas, 2006. Théâtre national de Chaillot, Paris.
― Falstafe, Théatre national de Chaillot, 2008. Croquis et affiche.
― Théâtre de Chaillot, Saison 06/07, 2006. Affiche.
― Saison musicale, IRCAM-Centre Pompidou, 1997/1998. Affiche.
― Saison musicale, IRCAM-Centre Pompidou, 2002. Affiche.