Michael E. Smith
Les Å“uvres de Michael E. Smith revendiquent le matérialisme comme une nécessité vitale. Dans ce monde touché par le désastre économique et écologique, l’artiste réaffirme l’importance de l’objet. De façon radicale, il efface les êtres humains de son art et les remplace par une physiologie et une psychologie des choses. Il travaille à partir de vêtements abandonnés (chaussettes, t-shirts et chapeaux), d’objets domestiques (bouteilles et bols), de morceaux d’appareils ménagers, de cadavres d’animaux et de résidus de toutes sortes. Il dispose ces éléments à la manière d’un médecin légiste, tels des fragments matériels ayant survécu à une maltraitance. Les intérieurs de ces objets sont remplis de mousse PVC, d’une résine qui rigidifie leur forme et leurs surfaces sont engluées et rayées. Ils portent ces traces comme des cicatrices. Ces objets incarnent la matérialisation d’une vulnérabilité émotionnelle, d’une violation. Ses expositions montrent quant à elles, une humanité fossilisée, dont les traces restent à exploiter.
Les sculptures et tableaux de Michael E. Smith puisent dans un répertoire restreint de matériaux. Ils servent avant tout à satisfaire les besoins physiques de base, que ce soit en termes de nourriture, de chaleur ou de protection. Des choses ordinaires, qui sont utilisées mécaniquement au quotidien. Ces derniers sont mis hors d’usage, posés dans des espaces d’exposition vides, qu’ils hantent plus qu’ils ne les occupent passivement. Ils se retrouvent exclus du monde social auquel ils appartenaient. Ils sont laissés à l’abandon dans une atmosphère de détérioration, de transformation et de régression.
La production de Michael E. Smith refuse de s’aligner sur les idéaux minimalistes qui affirment que «moins, c’est plus» («less is more»). Vivre modestement n’est plus un choix, mais une obligation, même les classes moyennes craignent d’être victime du déclin social. Pour beaucoup, «le moins» est désormais synonyme d’une vie réduite à l’essentiel. L’œuvre de Michael E. Smith rend compte de ce seuil de pénibilité à travers ces objets ordinaires. On se demande même si une chose n’est pas plus humaine qu’un être humain.
Dans les salles mêmes du CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux, Michael E. Smith invente une partition en clair-obscur faite de pleins et de vides, de bruits et de silences.