Il y a trois ans, la galerie Emmanuel Perrotin rendait un hommage à Hollywood. John Waters, le plus déjanté des réalisateurs américains, proposait comme les autres artistes l’envers du décor californien. Incisif et drôle, cette exposition avait l’avantage de s’attaquer avec humour et désinvolture à La Mecque du cinéma. Irrévérencieuse sans être pour autant sulfureuse, elle se permettait juste de pointer les travers de ce mirage cinématographique.
« Miami Nice » semble être le remake de Hollywood, cette fois-ci le titre est emprunté au petit écran. « Miami Vice » a été francisé sous le nom Deux flics à Miami. Les premières saisons de ce feuilleton culte, haut de gamme, ont donné la couleur des années 1980, l’intrigue ne servait qu’à feuilleter le catalogue d’un style de vie très tendance. La vraisemblance n’avait pas sa place, et malgré la violence de la pègre, il faisait bon vivre en Floride. Les deux policiers roulaient en Ferrari, ce qui vous assure une filature des plus discrètes, portaient des costumes de soie et de lin, ils étaient pieds nus dans leurs mocassins et leurs espadrilles, ils avaient le brushing dans le coup et servaient à l’époque de mètre étalon au monde de la mode internationale.
Miami était le personnage central de la série, elle aussi était habillée pour l’hiver, à la place des grands couturiers pour les acteurs, elle livrait les villas privées aux grands murs de verre. Les couleurs pastel, mauve et rose, étaient le nuancier dont se servaient à loisir le directeur de la photo, l’habilleuse et la maquilleuse.
« Miami Nice » est donc le remake de cette époque oubliée où les femmes portaient des épaulettes et se coiffaient avec de la laque. Passé le moment fugace de cette nostalgie qui est le moteur même de la télévision d’aujourd’hui. Toutes les émissions de variété s’amusent à passer des Bestofs et à classer les meilleures chansons, les meilleurs films, les plus drôles, les plus belles femmes. Le petit écran tourne en rond comme les stars académiciens et autres lofteurs. Lors du vernissage de la rue Louise Weiss on était plusieurs à piétiner devant ce qui devait être une expo de groupe appelé à devenir une école.
Après l’école photographique des Becher de Düsseldorf, après la scène de Glasgow ne vois-tu point venir le soleil de Miami ? Réponse, non. Malgré toute notre bonne volonté nous ne voyons pas « l’effervescence » de cette exposition. Les artistes présentés sont jeunes, moins de trente ans et encore à l’école, ils présentent des travaux à l’encre et sur papier. Aucune personnalité ne sort du lot à part Natalia Benedetti qui livre une très belle vidéo. Elle filme un immeuble qui ressemble aux cases d’un mot fléché. Le seul mouvement que l’on perçoit est le reflet qui lèche les vitres. Tout est fixe sauf ces mouvements que l’on ne saurait définir, sont-ils naturels ou numériques ? aquatiques ou aériens ? Mystère, mais comme un feuillage, cette ondulation douce et calme offre un regard qui se pose comme l’arbitre entre l’immobilité et le mouvement.
Malgré cette oasis perdue dans ce désert graphique, l’exposition ne tient pas ses promesses, les dessins et les peintures présentées ne sont pas à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un label autoproclamé. La richesse de la ville ne se retrouve pas dans la diversité des intervenants de « Miami Nice », le remake est moins bien que l’original et le film passe moins bien sur petit écran.