Jacques Rancière
Métamorphoses de la figure
«Figure se dit de choses contraires: des traits qui font reconnaître une identité et des lignes et forces qui la brouillent, d’un segment du visible qui tient par soi-même et du procédé de langage qui dit une chose pour en signifier une autre.
Tenir compte de ces tensions oblige à reprendre à neuf quelques problèmes d’interprétation de ce qu’on a appelé modernité artistique ou régime esthétique de l’art.
Je voudrais ainsi étudier comment les propriétés prêtées au XVIIIe siècle à une statue grecque peuvent au XIXe se fixer en philosophèmes ou se transformer en traits d’une figure romanesque, avant de se métamorphoser en figures chorégraphiques ou en paradigmes de la photographie; comment la peinture est emportée par le texte ou la danse, et le film immobilisé par la peinture; comment l’écriture de la lumière et du mouvement se sont inscrites dans ces métamorphoses; comment la photographie peut occuper l’espace de la peinture tout en y déplaçant des traits de la littérature, l’art vidéo revendiquer les prestiges perdus de la peinture murale et l’art des installations combiner le mode sculptural d’occupation de l’espace avec la temporalité de l’image mobile.
En un lieu voué à la photographie et aux translations d’images qui s’organisent autour d’elles, ce peut être l’occasion de travailler sur les formes actuelles du glissement des arts les uns sur les autres et sur les capacités de quelques pensées de l’image (Benjamin, Barthes, Deleuze ou d’autres) à rendre compte de ces glissements».
Jacques Rancière
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