Communiqué de presse
George Condo
Memories Of Manet And Velázquez
«Memories of Manet and Velázquez», exposition présentée à la galerie du 26 mai au 10 juillet 2004, marque une étape supplémentaire et essentielle dans le voyage infini de George Condo à travers l’histoire de l’art. 26 huiles sur toile, créées en 2003, de tailles différentes, composent cet hommage vibrant… Peintre américain empreint de culture européenne, grand admirateur des Maîtres de la peinture ancienne, français et espagnols en particulier, George Condo s’inscrit ici plus que jamais dans une démarche très classique, voire académique, de réinterprétation de l’œuvre de ses illustres prédécesseurs.
Comme les historiens d’art face à des portraits ou fresques historiques discutent de ce qui est transcription de la réalité ou produit de l’imagination de l’artiste, Condo décrypte les œuvres de Manet et de Velázquez en se concentrant sur la nature et la symbolique des compositions. Si le sujet correspond à un personnage réel, la manière dont est dépeint ce personnage est elle fictive, puisqu’elle incarne la vision de l’artiste. Ce qui intéresse George Condo dans sa réinterprétation des Maîtres, c’est précisément cette manière de peindre, celle qui « caractérise » le sujet.
Ainsi, l’œuvre intitulée Yankee Doodle (en quelque sorte: « Caricature Yankee ») évoque dans la mémoire de Condo «Le Fifre de Manet». Comme dans le célèbre tableau peint en 1866, un personnage se tient debout dans un espace indéterminé, sur un fond gris. La composition fragmentée du personnage, essentiellement réalisée avec du blanc, du rouge et du bleu, symbolise un homme auquel on a vendu un rêve inaccessible. Condo l’a doté d’un club de golf (suggérant la Terre Promise) en verre fondu, de flacons de laboratoire (qui symbolisent l’esprit inventif des premiers scientifiques américains comme Edison ou Franklin) et son attribut principal est la carotte (symbole des faux espoirs). Se tenant face au spectateur, ne cherchant ni éloge, ni critique, il est seulement ce qu’il est, à savoir ce qu’il est devenu : le Yankee Doodle, c’est l’Américain piégé par l’«American Dream»…
L’utilisation des diagonales dans plusieurs œuvres de cette série est un excellent exemple de la manière dont George Condo transcrit les techniques de composition des Maîtres dans ses propres peintures. George Condo se sert d’une disposition expressive des lignes et de la composition similaire à celle de ses Maîtres, notamment à celle utilisée dans les portraits équestres de Velázquez pour donner à ses œuvres profondeur et perspective et « caractériser » ses personnages.
Le « personnage » est uniquement un moyen de décrire une image déjà abstraite, la reconstruire ou la déconstruire, c’est la même chose à la base. C’est la manière dont il est peint qui le rend intéressant.
L’esprit chimérique de George Condo, sa fascination pour l’imagerie populaire et l’illustration contemporaine mêlés à sa riche connaissance de l’histoire de l’art nous emmènent au-delà de cette recherche de composition, à la frontière entre figuration et abstraction, entre réalité et fiction.
Dans de nombreuses œuvres exposées, George Condo fait appel à son iconographie si particulière, qui mêle présent et passé, cartoons et peinture classique, rationnel et irrationnel, pour donner naissance à d’étonnants portraits, devenus intemporels pour le spectateur qui les contemple.
Ce mélange des époques et des genres est en réalité chez Condo une «configuration inversée»: celle d’un scientifique retravaillant des chefs-d’œuvre historiques et restructurant un engagement intense envers l’œuvre historique d’une manière imaginative totalement nouvelle, très contemporaine. A l’image d’un Kubrick se réappropriant Spartacus, d’un Manet revisitant Velázquez, George Condo retourne dans le passé pour avancer vers l’avenir.