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Memento Mori

A l’occasion de l’exposition qui se tient actuellement à la MEP, les éditions Arthus publient un catalogue des photographies en noir et blanc d’Edouard de’Pazzi, réalisées sur le mode contemplatif de la vanité, issu de la tradition picturale.

Information

  • @2007
  • 22-960057-614
  • \39€
  • E136
  • Zoui
  • 4français
  • }165 L - 165 H

Présentation
Edouard de’Pazzi
Memento Mori

Extraits de l’article «Sur un art du contresens : de la photographie comme Radeau de la Méduse» de Pierre-Emmanuel Dauzat
« Les noces d’Éros et Thanatos demeurent inachevées. Bien qu’Éros, adepte des déguisements et autres blandices, se travestisse volontiers en petites morts, il y a moins de mort dans Éros qu’une certaine tradition ne veut bien le dire. Et moins de mort dans la mort elle-même qu’on le souhaiterait. Émancipés de la géographie et d’autres formes de topographie mentale, les clichés de Pazzi nous donnent cependant à voir de la mort la présence inat tendue (inespérée ?) : elle est présente quand on ne la voit pas, comme la Lettre volée d’Edgar Poe. Mais comme elle n’est plus où on l’attend, elle se faufile où on la côtoie moins volontiers. Son registre privilégié est celui de la résurgence et Hamlet est son prophète, plus attentif à sa musique de fond qu’à ses caprices.
L’œil était dans la tombe et regardait Cain : le sexe des photos de Pazzi nous regarde plus qu’il ne nous permet de le regarder. Si le sexe ni la mort ne se peuvent regarder en face, il faut se garder du cliché : ce n’est pas qu’ils nous frapperaient de stupeur et nous pétrifieraient comme dans l’antique légende de la gorgone Baubo, mais parce que ce sont eux qui nous regardent et nous rident. Pazzi nous donne-t-il à voir un sexe de femme délicatement ourlé qu’à peine croit-on l’entrevoir il se pétrifie. Ou se marie avec une pierre, comme si la minéralogie était une école du regard. Et on découvre que le sexe était une citation du caillou, à moins que ce ne fût l’inverse. […]
Si provocatrices que soient certaines photos, la technique et le goût des ombres qui donnent l’unité au recueil et à l’ensemble le ton d’un requiem demeurent étrangement apaisants. Dans un premier temps, notre regard paraît régi par l’économie du «que nul n’entre ici s’il n’est mathématicien» : en l’occurrence, un technicien de la photographie. Comme dans une application du paradoxe de Zénon, on a le sentiment irrésistible que le mouvement est impossible et que le mouvement qui pourrait rapprocher la photo ou son sujet (on pense à certains visages de femmes) n’aura jamais de fin: la distance se creuse à mesure qu’on se rapproche. Chaque visage qui pourrait séduire, chaque corps qui pourrait dire un désir ou en être le support se situe à une distance indéterminée qui ne nous laisse aucune chance. Au mieux saura-t-on qu’on a rendez-vous avec la mort quand, croyant avoir aperçu une nudité féminine, on découvre la camarde accorte et accueillante que dessine son corps. À moins que, mû par le vain espoir d’un chaste baiser oculaire, on ne se retrouve déjà dans les orbites de la mort. […]
Où les meilleurs photographes s’efforcent d’ordinaire de définir une place du spectateur et un sens obligé du regard, sinon un sens unique, Pazzi a en apparence plus de délicatesse. En apparence seulement, car, aussitôt trouvée la distance, il n’y a plus de possibilité de reculer. C’est la photographie qui mène la danse, comme la mante religieuse. On est certain d’être mordu et de ne pas en sortir indemne.
Le grand mérite du photographe est de nous renvoyer à notre état inchoatif. Où la photo de sexes appelle généralement le regard du débauché, il ne reste ici de place sur le Radeau de la Méduse que pour l’amateur d’ébauches. Pazzi ou l’art d’ébaucher le spectateur, de le plonger, comme par un coma artificiel, dans l’incertitude qui vient des songes. Liquéfaction du réel, déréalisation du spectateur, et dissolution du regard restent les maîtres-mots d’un art de l’éclipse. Avec l’extinction finale de l’image, ne reste plus qu’une issue : pâlir à son tour et se taire, même si du silence on sent déjà la moiteur. »

Ce catalogue est publié à l’occasion de l’exposition «Memento Mori» d’Edouard de’Pazzi, à la Maison Européenne de la Photographie, à Paris, du 14 mars au 3 juin 2007.
 
Edouard de’Pazzi, photographe, est né en 1964. Il vit et travaille à Paris, où il est représenté par la galerie 13 Sévigné.

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