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Melting point Brasilia

PMarie-Jeanne Caprasse
@31 Oct 2011

Après Chandigarh en Inde, Stéphane Couturier explore un nouveau terrain de jeu: Brasilia, la capitale brésilienne conçue de toutes pièces dans les années 50. Depuis quelques années déjà, il prend ses distances avec la photographie documentaire et utilise les techniques du numérique pour créer des images hybrides.

Brasilia aujourd’hui c’est une icône, un miracle de béton qui sortit de terre en quelques années. La ville fut inaugurée en 1960 grâce aux talents réunis de l’urbaniste Lucio Costa, de l’architecte Oscar Niemeyer et du paysagiste Roberto Burle Marx. Les images de son architecture futuriste éminemment photogénique sont légion. Pourtant, Stéphane Couturier arrive à réveiller les beaux clichés épurés mais rebattus en insufflant une dynamique originale qui donne vie à ses photographies de la cité.

Déjà utilisé pour la série «Chandigarh Replay», le procédé est simple et affiché: chaque composition combine deux photographies qu’il superpose et fait s’entremêler grâce à la technologie numérique. Il obtient ainsi une photo hybride introduisant de la discontinuité et un espace-temps particulier.

Stéphane Couturier partage ainsi le vécu du photographe quand il chemine dans la ville. Faisant se rejoindre deux temporalités de prise de vue, il souligne la persistance rétinienne qui touche le photographe quand il capture une chose ici puis là-bas. Mais on peut aussi parler de l’image souvenir du vécu, celle que construit la mémoire.
Mettant à distance la photographie documentaire qui capture un point de vue unique à un moment T, il recompose des images qui vont mieux rendre compte de son expérience de la ville, des images qu’il en a dans sa mémoire.

Ce «Melting Point», point de fusion entre deux espaces, est une façon de compresser le temps. Et de parler ainsi de la dualité des choses, de la manière dont on aborde différemment le réel selon les points de vues.
Par le jeu des transparences, d’apparition et de disparition d’une photographie par rapport à l’autre, il perturbe les façons de voir et joue avec les repères spatiaux et temporels.
Stéphane Couturier compare ce travail combinatoire à celui du montage cinématographique: la prise de vue est importante mais selon le montage réalisé, on ne verra pas le même film.

En découlent des images d’une grande complexité, où l’œil peut parcourir inlassablement toute la surface. Certaines des photographies de façades jouent sur une véritable prolifération des motifs, se répétant et se métamorphosant continuellement, pour finalement nous perdre dans une multitude de lignes verticales et horizontales.
De loin, elles sont presque abstraites mais quand on s’en approche, elles laissent affleurer des images qui nous reconnectent immédiatement à la vie urbaine.

D’autres photographies, combinant éléments architecturaux et monde végétal, ouvrent sur des perceptions moins désincarnées, moins formelles mais plus cinématographiques. Et là, s’exprime la vie de cette ville qui aujourd’hui n’est plus seulement une utopie mais une ville qui suit sa propre destinée, 50 ans après sa naissance.

Å’uvres
— Stéphane Couturier, Melting Point Brasilia, Monument 1, 2011. C-print sur diasec. 160 x 203 cm
— Stéphane Couturier, Melting Point Brasilia, Dom Bosco 1, 2011. C-print sur diasec. 180 x 226 cm
— Stéphane Couturier, Melting Point Brasilia, Superquadras 4, 2011. C-print sur diasec. 180 x 230 cm
— Stéphane Couturier, Melting Point Brasilia, Axe monumental 1, 2011. C-print sur diasec. 206 x 163 cm
— Stéphane Couturier, Melting Point Brasilia, Monument 5, 2011. C-print sur diasec. 130 x 101 cm
— Stéphane Couturier, Melting Point Brasilia, Sector bancario, 2011. C-print sur diasec. 130 x 101 cm

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