Mel Bochner
La Galerie Nelson-Freeman présente la seconde exposition personnelle de l’artiste américain Mel Bochner. Pionnier de l’art conceptuel dans les années 60, il est un des premiers artistes à introduire le langage dans les arts visuels.
Depuis, Mel Bochner interroge la nature de l’Å“uvre d’art et les mécanismes de la représentation en utilisant différents mediums: photographie, installation, film ou peinture. Son travail, nourri de la pensée philosophique, de la grammaire et de principes mathématiques, met en scène le signe, linguistique ou chiffré, dans son rapport au signifiant et au sens. Il met en avant l’écart entre les mots et leur perception, entre le contenu et le contenant et entre l’idée et l’objet réel.
Pour cette nouvelle exposition, Mel Bochner développe une série initiée en 2004 pour la Whitney Biennial, les «Thesaurus Painting». Cette série tire son nom du Roget’s Thesaurus, un dictionnaire de synonymes qui accompagne Mel Bochner depuis son premier travail sur le langage en 1966. Elle se caractérise par une liste de synonymes organisés en lignes de textes parallèles. La suite de mots débute avec le terme générique pour aller crescendo vers le terme le plus familier, voire le plus vulgaire, créant à la fin un effet de surprise. Mel Bochner considérant que «la fonction de la couleur est de faire dévier le texte de sa responsabilité à l’égard du sens», elle est ici d’une grande importance dans ses compositions. Si la couleur du fond est décidée à l’avance, celle des mots est plus spontanée, improvisée, et est associée à chacun d’eux.
Alors que dans les premières Thesaurus Painting, les couleurs vives renforçaient la puissance graphique du texte, les neuf nouvelles peintures de 2010 présentées à la galerie prolongent un travail sur la dilution des contours amorcé en 2006. Réalisées à la peinture à l’huile sur velours et au moyen d’une presse, ces dernières Å“uvres acquièrent une vraie matérialité. Des coulures apparaissent lors du pressage de la peinture et de la toile de velours et altèrent la graphie ronde des lettres placées sur des fonds sombres. Devenant une véritable surface, les mots ne remplissent plus seulement une fonction graphique, mais deviennent également des éléments picturaux; leur fonction signifiante et leur message s’en trouvent ainsi brouillés.
Parallèlement aux Thesaurus Paintings, Mel Bochner présente une série de peintures intitulée «Blah Blah Blah» conçue selon le même procédé. Dans celle-ci, plus radicale encore, le mot est réduit à une onomatopée, la transcription graphique d’un son. Le sens disparaît dans la répétition de ces quatre lettres qui désignent un flot de paroles sans importance.
Avec cette nouvelle série montrée pour la première fois en Europe, Mel Bochner donne à voir, une fois encore, l’impuissance des mots. «Finalement, ce qui est intéressant c’est l’incongruité de tous les systèmes de langage, non pas dans ce qu’ils disent, mais dans ce qu’ils ne peuvent pas dire».