ART | CRITIQUE

Meilleurs vœux/d’après, Denis Savary

PMuriel Denet
@01 Fév 2008

L’artiste suisse Denis Savary travaille sur la notion d’auteur par intrusion dans l’œuvre d’autrui : après et d’après, grâce aux procédés de l’appropriation, la réinterprétation, la collaboration et la citation.

Le jeune artiste suisse Denis Savary a transposé, dans les espaces exigus que le Jeu de Paume consacre aux expositions Satellite, un aperçu de sa toute récente exposition au musée Jenish de Vevey. Le mode opératoire de l’artiste, qui travaille sur la notion déliquescente, mais néanmoins résistante, d’auteur, n’est ni plus ni moins que l’intrusion dans l’œuvre d’autrui : après et d’après, grâce aux procédés éprouvés de l’appropriation, la réinterprétation, la collaboration et la citation.

Félix Vallotton et Oskar Kokoschka, deux artistes importants dans l’histoire du musée Jenish, en font les frais.  Ce qui donne une installation tout à fait réjouissante sur la mezzanine.
Au centre, trône la réinterprétation par l’artiste d’une poupée, conçue et dessinée par Kokoschka, au début du siècle dernier, à l’effigie de son amante Alma Mahler, qui venait de le quitter. Suivant les recommandations et les descriptions adressées par Kokoschka à la couturière chargée de sa fabrication, Denis Savary en fait une créature hybride et incongrue, entre jouet érotique et peluche consolatrice.

Tout autour d’elle, c’est une absence encore, celle de Mesia, modèle favori de Valloton, qui se  déploie en dix sérigraphies noir et blanc, tirées d’après une série de bois gravés de Vallotton, et intitulée Intimité.
Ces planches ont été mutilées par leur auteur, qui en avait prélevé une fraction pour constituer un puzzle, composé du motif récurrent du corps et du visage de Mesia. Curieusement, ces scènes restent largement interprétables, par leur titre, et les postures d’amants que tout laisse supposer peu licites.
Leur oblitération partielle, qui prend la forme d’un rectangle blanc évoquant une censure au secours des bonnes mœurs, met le spectateur dans une posture de voyeur, qui tourne alors le dos à la poupée Alma qui, elle, cache pudiquement de la main sa toison pubienne.

Dans le foyer, ouvert pour l’occasion, une curieuse installation : au sol des motifs imbriqués, faits de serpentins de papier, qui évoquent des tabourets chinois en rotin tressé.
La maille fragile et trop légère de ces cotillons se défait au passage des spectateurs, et cinq licous pendus au mur – ou ce qui leur ressemble, des assemblages de cubes de bois bout à bout sur un bandeau de tissus -, surplombent la désintégration en cours. Ces sculptures ont été concoctées de concert avec deux jeunes artistes, Aloïs Godinat et Jean-Christophe Huguenin. Denis Savary se coulant pour l’occasion dans les préoccupations plastiques de ses comparses.

Ultime clin d’œil : au mur une courte vidéo montre un plongeur dans une mare qui en filme le fond. Gros nénuphar fluo sortant de l’eau, il s’appelle Claude. Rappelant soudain que l’Orangerie est à un jet de pierre de là.

Publications
— Denis Savary, « meilleurs vœux / d’après », texte de Fabienne Fulchiéri, Ed. Jeu de Paume, Paris, 2008.  (à paraître)

Denis Savary
— Alma, 2007. D’après la poupée d’Oscar Kokoschka, 1919. Technique mixte. Hauteur : 168 cm
— Intimité I à X, 2007. D’après Félix Vallotton. 10 sérigraphies sur papier Japon.
Le Mensonge
Le Triomphe
La Belle époque
La raison probante
L’Argent
Le grand Moyen
Cinq heures
Apprêts
La Santé de l’autre
L’irréparable

— Astragale, 2007 (avec Aloïs Godinat). Bois, coton, métal.
— Cotillons, 2007 (avec Jean-Christophe Huguemin). Installation avec cotillons. Dimensions variables.
— Claude, 2006. Vidéo couleur. 4 min.

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