Pièce pour sept danseurs, Dans l’engrenage (2017) de Mehdi Meghari (Cie Dyptik), bouillonne d’une énergie communicative. Costumes de ville, style casual chic [décontracté, mais de façon assez étudiée], sur scène les danseurs vibrent d’une tension sociale. Trouver sa place, et surtout la garder. Interprété par quatre hommes et trois femmes, Dans l’engrenage déploie le tableau abstrait d’une lutte urbaine. Dans une Metropolis du XXIe siècle, où les agences ont remplacé l’usine. Engrenage des mécaniques sociales et relations humaines, du hip-hop à la transe rituelle, la pièce cultive une danse contagieuse. Un rythme qui se propage entre les danseurs — Elias Ardoin, Evan Greenaway, Samir El Fatoumi, Yohann Daher, Katia Lharaig, Émilie Tarpin-Lyonnet, Marine Wroniszewski. Sans autre décor que ce paysage humain, en pleine lumière sur une scène baignée de pénombre, les danseurs composent une sorte de rite inclusif / exclusif. Au son d’une musique pulsatile, de Patrick De Oliveira.
Dans l’engrenage de Mehdi Meghari (Cie Dyptik) : chorégraphier la battle sociale
Poésie de la nervosité fébrile qui se communique de corps en corps, les danseurs saccadent, avancent, s’épuisent dans des cadences infernales. Bien après le désir d’émancipation, reste encore la transe d’un engrenage qui impulse son mouvement. Corps mus par le mouvement collectif, imitation, conformation et émulation propulsent ici au-delà de l’immobilité. Battle de gestes, de prises de positions, d’affirmation : chacun veut survivre. Sur des sonorités à la mélancolie aussi anxieuse qu’insatiable, entre électro et piano, les danseurs fabriquent leur place. Façonnant par là même un groupe convulsif. Rouages sociaux à court-circuiter pour gagner, la lutte implique de biaiser, transgresser. Marcher sur l’autre, pour pouvoir s’élever. Mais pour gagner quoi ? Mécanique humaine implacable, Dans l’engrenage épluche, par la danse, les closes du contrat social contemporain.
De l’individu au groupe : les rouages de la transe, de la contagion émotionnelle
Puisant dans les danses et rythmes traditionnels du monde arabe, le chorégraphe Mehdi Meghari fait affleurer une transe dévorante. Quelque chose qui monte en intensité. Telle l’avidité de lumière qui affole les papillons. Pour Dans l’engrenage, Mehdi Meghari a également choisi de travailler avec la comédienne Corinne Puget. Afin de porter les danseurs au maximum de l’expression de la sincérité, dans cette zone de contact où se produit la contagion. Entre les interprètes, mais aussi avec les spectateurs. Expérience inclusive / exclusive, cette dynamique laisse la possibilité d’adhérer ou de refuser. Mais elle laisse difficilement indifférent, de par sa rythmique viscérale et communicative. Moment de danse pulsatile, Dans l’engrenage entraîne les spectateurs au fil de son énergie festive. Mais la pièce les engage également à questionner ce qu’ils sont prêts à accepter, ou refuser. Non pas à froid, quand la raison fait loi, mais à chaud, quand l’émotion fait acte.