Stéphanie Cherpin, Charles Mason, Katharina Fritsch, Boliw
Méfiance
Avec l’aimable collaboration du Frac Aquitaine et de la galerie Jean-Jacques Mandel.
«Le problème est toujours de venir à bout du travail, tout en sachant qu’on ne viendra jamais à bout de rien… La question qui se pose est: continuer, toujours aller droit de l’avant, ou alors s’arrêter, en finir… c’est la question du doute, de la méfiance et de l’impatience.» (Thomas Bernhard)
Durant les prochains mois, la galerie Cortex Athletico présentera un projet en trois parties, en réaction à cette question du doute, de la méfiance et de l’impatience, car elle est semble-t-il symptomatique de notre époque «de pré-reprise économique» telle que les pages éco des medias l’appréhendent.
Ce terme de «pré-reprise» a évacué toutes les promesses de changements profonds, y compris dans notre activité marchande où les réajustements ne se font pas sur les modèles eux-mêmes, mais sur la voracité à vouloir rétablir les choses.
Le premier opus de ce projet en trois parties traite de la méfiance et du subterfuge. Cette exposition met en avant notre nécessaire prudence vis à vis du réel. Les oeuvres présentées, dans leur forme, leur réalité, répondent à un besoin caché que l’on peut soupçonner à des degrés divers. Parfois l’extrême frontalité de leur signifié masque une astuce, une ruse, ou un subterfuge, présents entre l’idole et le fétiche.
Quelle est la part de prudence que nous devons entretenir face à ces objets, qu’ils soient fac-similés ou objets rituels? Celle-ci pourrait provenir de la difficulté à isoler un degré de présence au monde. Ce besoin caché est-il en partie lié au travail? Le moment de réalisation de chacun de ces objets est étrange. Il peut être dans l’usage, dans la construction même, dans le dessein, mais en tous cas en dehors de l’objet réalisé à proprement parler.
Ainsi les oeuvres de Stéphanie Cherpin n’existent que par leur titre qui reprennent pour la plupart des titres grunge. Le processus créatif est presque comme une transe, un moment singulier où tout peut faire partie de l’ensemble par accumulation, apport, «charge».
C’est ce que l’on retrouve formellement dans les masques Boliw, où les libations de sang viennent à la fois utiliser la sculpture initiale comme support, mais en même temps la modifient par l’accumulation par strate de tous ces sacrifices de chasseurs maliens.
Par opposition, le détournement de Katharina Fritsch consiste à reproduire en résine jaune la statue de la Vierge présente dans la grotte de Massabielle, près de lourde, telle qu’apparue à Bernadette Soubirous. En trafiquant l’icône elle projette un objet insolite, proche dans sa forme de l’objet initial, mais dont le sens impose une vigilance. Par l’artifice, elle déplace et défait la charge symbolique de cette représentation de la Vierge pour la ramener à ce qu’elle est finalement: une statue.
Enfin, Charles Mason, sculpteur affilié à la tendance apparue dans les années 1980 de la «nouvelle sculpture anglaise», où l’assemblage, souvent élégant, est un mode opératoire. Les détournements d’objets banals qu’il opère modifient leur sens pour aller parfois vers des formes anthropomorphes. Il n’est plus question simplement de méfiance, mais peut-être d’astuce, dans le sens où l’humour vient finalement dédramatiser l’ensemble.