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Mécha

10 Nov - 05 Déc 2010
Vernissage le 10 Nov 2010

Mécha évoque la lutte pour la survie et une forme de fascination, du spectateur et de l’artiste, pour le conflit et le jeu. Pour ce travail, Miguel Angel Rios a filmé des joueurs de Tejo, sport traditionnel colombien proche de la pétanque, peu connu en dehors de la région de Bogota.

Miguel Angel Rios
Mécha
Mois la Photo Paris 2010

Après Aqui, exposée en 2009, la Maison européenne de la photographie présente la dernière vidéo de Miguel Angel Rios, artiste argentin vivant entre Mexico et New York. Cette vidéo, en couleurs projetée sur deux écrans, est une coproduction de plusieurs institutions dont les Amis de la Mep.

Dans, Aqui, l’artiste met en scène un étrange ballet de toupies qui s’entrechoquent violemment dans une représentation métaphorique du pouvoir. Mécha évoque également la lutte pour la survie et une forme de fascination, du spectateur et de l’artiste, pour le conflit et le jeu. Pour ce travail, il a filmé des joueurs de Tejo, sport traditionnel colombien proche de la pétanque, peu connu en dehors de la région de Bogota.

Les ouvriers jouent dans les bas-fonds, en équipe d’au moins six personnes (hommes ou femmes) avec des palets métalliques, appelés tejos. Chaque joueur lance un palet vers un bac incliné rempli de boue, essayant d’y faire exploser des méchas, cibles roses triangulaires. Tels des détonateurs, les méchas, remplies de poudre à canon, implosent sous le choc de l’impact. Pour Miguel Angel Rios, ce jeu incarne une agression, l’acte violent d’un tir de revolver mais à l’envers, comme si la balle (le palet)au lieu d’être expulsée était au contraire propulsée vers l’arme (le détonateur).

«Dans ce jeu, il y a des explosions sans cesse, des projectiles, les cris des joueurs, les hurlements et la clameur des spectateurs… Cette ambiance m’évoque les films de guerre et les reportages venus du front. Le Tejo est une lutte sans fin entre deux armées. C’est un combat dans lequel on ne fait jamais la trêve. Même s’il n’y a pas de victimes, il n’y a pas de paix…» dit l’artiste.

Filmée dans un hangar de la banlieue de Bogota, la vidéo montre un «no man’s land» sombre et menaçant, délimité par des grillages qui rappellent une cage ou une prison. Les joueurs y semblent enfermés, comme des animaux, courant et hurlant devant les flammes, la fumée, le verre brisé et le bruit des éclats. Une certaine beauté formelle se dégage néanmoins du chaos, l’argile évoque la matière primitive du sculpeur; le cercle des palets, le triangle des cibles, le carré du terrain ainsi que les couleurs primaires construisent un décor digne des avant-gardes des années 20.

Miguel Angel Rios décrit ce tournage de huit mois comme une «superproduction», une sorte de performance à grande échelle. Le réalisateur a rassemblé près de 400 personnes pour la produire : une dizaine de collaborateurs et techniciens, ainsi que plusieurs douzaines de joueurs qu’il a filmés en groupes de 30 ou 40; il a accumulé près de 500 tejos, essayé plusieurs types de poudre à canon et fait venir 3 immenses camions remplis d’argile pour créer son terrain de jeu. Le tournage était extrêmement dangereux, et plusieurs participants — dont l’artiste et certains joueurs — ont été blessés ou brûlés. L’artiste a tourné, au total, 32 heures, qu’il a ensuite coupées et montées pour obtenir cette vidéo de dix minutes.

En plein action, l’artiste a filmé les cibles depuis différents angles, au rythme croissant des explosions. La stratégie du Tejo joue un rôle essentiel dans la réalisation de la vidéo et dans la chorégraphie minutieusement réglée des figurants. Un cri donne les instructions aux joueurs et crée le dispositif de mise en scène mais le spectateur n’assiste pas à la retransmission d’une partie de Tejo. En effet, le montage ne retient que le va et vient rapide des jambes des joueurs, la puissance du tir et la violence de l’impact. A cela s’ajoute la présence, au premier plan, de l’objectif de la caméra qui évoque les reportages télés passant en «live» sur les chaînes d’infos continues.

Mécha dépasse la réalité du jeu pour projeter le spectateur vers une autre réalité, plus suggérée que montrée, celle de la guérilla urbaine, entre trafic de drogue au Mexique et en Colombie ou guerres de gangs pris dans une lutte sans merci.

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