Ce qui frappe d’abord dans le travail d’Estelle Deschamp c’est la multiplicité des matériaux qu’elle fait siens: bois, plâtre, béton, goudron, mousse, plastique, PVC, chutes et rebuts en tous genres sont associés et combinés dans ses différents dispositifs sculpturaux. Les assemblages qu’elle met en Å“uvre peuvent faire preuve d’une remarquable simplicité: accumulation, empilement, stratification, répétitions de motifs à différentes échelles, mais peuvent aussi être associés à des formes plus travaillées relevant de l’ornement classique (marqueterie, moulures…).
Son travail fait preuve d’un esprit de bricolage, au sens où le définit Claude Lévis-Strauss dans La pensée sauvage: l’artiste prend ce qui lui tombe sous la main et elle construit son œuvre au gré des opportunités, avec les instruments, les outils qu’elle trouve et qu’elle s’approprie, les contextes dont elle se nourrit. Jamais cependant cette apparente limitation n’entrave la poétique de ses pièces, leur capacité à nous entraîner dans un univers nouveau fait d’associations libres et de références renouvelées (architecture, géologie, minéralogie, constructivisme, science-fiction, design, ou encore pâtisserie).
On se prend à s’émerveiller des matériaux, on prend garde à leur texture, à leur beauté soudain révélée, comme si la somme des textures, des couleurs, leur rythmique, dépassait leur énumération, comme s’il émanait un mystère de cette accumulation. Ce qui transparaît dans cette simplicité, c’est avant tout une forme de générosité, de plaisir à choisir les matériaux et à les découper, à les assembler, à leur donner vie.