ART | CRITIQUE

Matthieu Laurette

PLaurent Perbos
@05 Fév 2005

Pour sa première exposition à la galerie Yvon Lambert, Matthieu Laurette expose ses capacités à s’infiltrer dans un ensemble d’images et à exploiter leurs processus de consommation. Retournement de situation : les mass-médias se trouvent à leur tour instrumentalisés par l’artiste.

La vidéo qui accueille le visiteur le rend complice d’un canular. The Louisiana Repo-Purchase, micro-trottoirs tournés en Nouvelle-Orléans, met en scène une fausse journaliste aux questions irréalistes. Les passants sont pris au piège. Bien qu’incongrue, la nouvelle fictive trouve sa légitimité dans le système audiovisuel mis en place. Objets d’une collectivité victime de ses propres moyens de communication, les personnes interrogées incarnent l’idée d’une éventuelle manipulation médiatique.
On se rapproche alors d’une remise en question symbolique de la société de consommation opérée par l’artiste quelques années auparavant dans son projet de subsistance grâce à des produits exclusivement remboursés.

Autre lieu, même principe. Les Apparitions offrent la possibilité d’acquérir une visibilité active au sein d’un public anonyme. Apparition : The Today Show, NBC, 31 décembre 2004, (Guy Debord is so Cool!) présente une émission diffusée à la télévision. Derrière des barrières métalliques une foule de spectateurs assiste en direct au tournage. Si certaines personnes ne sont ici que des figurants, d’autres deviennent actrices au coeur même de l’image en brandissant différentes pancartes colorées. Ces messages exposés en parallèle dans la galerie, preuves de cette célébrité éphémère et vestiges de cette intervention, sont mis en abîme et en mouvement dans le tissu social qui leur servent de support.
On retrouve ici la trame générale du travail accompli par Matthieu Laurette sur plusieurs années, la mise en scène de différents questionnement critiques. La participation de l’individu dans la vie publique jusqu’ici disséquée à travers ses multiples interventions télévisuelles en tant que « spectateur professionnel » utilise dans cette œuvre d’autres intervenants. Comme un écho à la création de son jeu El Gran Trueque en 2000, ce principe d’échange et cette place privilégiée accordée à l’autre est à nouveau expérimenté.

Fin de l’imposture : Déjà vu : The Seventh International Look-Alike Convention at Dia’s Fall Gala ainsi que Déjà vu : The Second International Lookalike Convention at Castello di Rivoli interrogent notre relation à l’art. A l’instar de tous les sosies « trompe-l’oeil » qui défilent dans la vidéo amateur tournée pendant la convention, graphistes inconnus et photographes people accèdent à un semblant de célébrité en ayant été choisis par l’artiste pour réaliser ses œuvres. Les couvertures de magazines agrandies et accrochées de part et d’autre du couloir menant au film de cet événement se transforment en support de réflexion. Ready made contemporain récupérés par l’artiste auprès d’exécutants sans notoriété, ces productions prennent une dimension artistique et portent en elle un discours qui leur était étranger au moment de leur conception.

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