Johan Parent
Matière grise
Depuis son invitation à exposer dans Galerie Showcase, début 2015, Johan Parent s’est mis à collecter tous les journaux GreNews qu’il recevait dans sa boîte aux lettres. De là est né un protocole de transformation du matériau qui l’a mené à la fabrication d’une pâte grisonnante qui compose aujourd’hui le monochrome de 120 x 80 cm occupant la vitrine.
Johan Parent s’intéresse aux objets. Plus précisément, il s’intéresse à leur relation avec le monde, et pour la révéler il met en évidence des dysfonctionnements. Progressivement ces objets vont acquérir une autonomie. Les néons vont se couper de leur alimentation électrique, les chaises vont se mettre à danser et la radio va émettre un bourdonnement monotone et incessant. Face à ces pièces, l’homme se voit déshumanisé et réduit à la position d’un regardeur ne pouvant interagir avec ce qu’il observe. L’objet lui ôte ce que Jean Baudrillard définit comme un «gestuel de contrôle», nécessaire à l’homme pour éviter tout dysfonctionnement mental par rapport au système des objets. Perdant toute capacité d’interaction avec ces objets, il finit par se retrouver seul dans un monde régi par ce système.
Une forte tendance à l’enfermement se retrouve dans le travail de Johan Parent: une pièce s’emplit de fumée, un balai de karshers est contraint par le cadre de la caméra, des dédales de couloirs ne proposent que des portes closes, et ici, le monochrome est mis à distance par l’espace d’exposition utilisé comme caisse américaine. Il protège alors le monochrome et nous interdit une confrontation directe, déplaçant Matière grise dans un hors-sol. Ces propositions pourraient être vues comme les conséquences d’une société centrée sur une quête du progrès technologique mais il n’en est rien.
Comme les précédentes Å“uvres, Matière grise ne cherche pas à nous questionner sur l’abondance des journaux et autres publicités qui remplissent nos boites aux lettres. Elle ne nous donne pas à méditer sur l’esthétique d’un matériau et n’espère pas de nous une réflexion sur une actualité culturelle foisonnante qui finirait par créer une masse grisâtre. En autarcie, Matière grise n’attend rien de nous, elle se suffit à elle-même. Elle est tout autant la réponse que la matière servant à penser la question.
Vernissage
Vendredi 29 janvier 2016 Ã 18h