Jocelyn Villemont
Material Dreams
Pour son exposition «Material Dreams», Jocelyn Villemont propose un display qui condense différentes chaînes de production, renvoyant au cycle de consommation, d’irradiation, de dispersion, et de déteinte des images, à la chimie du rêve comme produit et sublimation de synthèse. Mettant en parallèle le cycle de la consommation et de la reproduction des images avec celui du lavage (du vêtement comme du cerveau), «Material Dreams» pourrait apparaître comme une «rêverie matérialiste» sur la contamination de l’esprit par la culture visuelle, mettant ainsi en scène les transferts de l’humain à l’objet, de l’utilitaire au décoratif.
La pratique de Jocelyn Villemont relève d’un double principe d’appropriation et de fictionnalisation. Elle questionne le «milieu naturel» des Å“uvres à l’époque des réseaux, les effets tangibles et les scénarios rendus possibles par fluidification des typologies culturelles et esthétiques, ainsi que la notion d’art comme produit dérivé.
Jocelyn Villemont utilise des procédures rapides d’exécution, comme le transfert, le stickage, le flocage, l’impression, l’esquisse, empruntant aux modes de customisation et de «stylisation» des objets qui font évoluer les pratiques d’appropriation en fonction de la vitesse toujours croissante du turn-over entre innovation et obsolescence.
Avec humour, son travail exploite la fertilité des malentendus et des rapprochements rendus possibles par la déhiérarchisation des sources et la perte des antécédents historiques des formes à force de translations, réplications, déclinaisons. Dans le contexte de l’esthétisation généralisée des modes de vies, de la migration virale des images et des imaginaires sur les réseaux, il se nourrit de la théâtralité immanente d’un quotidien hyper-connecté, opérant par transfert entre registres esthétiques et culturels, en recourant régulièrement à l’anachronisme (de l’histoire de l’abstraction à l’histoire des rave, de la sculpture minimaliste au socle de défilé)
Tout relève ici de la trace (le tracé du dessin ou de la peinture), du fragment, du document qui, loin d’être les parts altérées, amoindries, d’un tout absent, sont autant de matrices de la forme. Mettant constamment en abyme la réversibilité de son expérience de consommateur et de producteur, Jocelyn Villemont propose souvent des espaces scéniques relevant du display, sculptures de démonstration réalisées avec des matériaux communs (bois agglomérés, plastique, métal, tissu) inspirés autant des standards de modes de présentation muséographiques ou ethnologiques, de la décoration d’intérieur, de la vitrine commerciale; et chargée de présenter un ensemble de créations: lignes de vêtements en toile brute, service en émail néo-moderniste, pins.
Ses environnements hybrident des images trouvées et souvent archétypales et des éléments inspirés également de l’écran d’ordinateur ou encore de l’aire de «jeu» (It’s our playground est le nom du collectif qu’il a fondé avec Camille le Houezec). Ainsi, Relaax.in, plateforme virtuelle collaborative se présente comme une interface de promotion du «break connecté» (café, câlin, douceur), solution alternative à la déconnection et remède à l’anxiété entraînée par la surexposition aux images. Le projet s’est décliné en un environnement composé d’objets, d’images et de mobilier: barre chocolatée en émail, mobilier ludique et série d’affiches reprenant des standards de la culture visuelle des années 90’s, années du soft et du cool, de l’acid-culture et âge de «pierre» de l’internet (Stoned happy face, 2011).
Ces installations portent souvent sur la confusion des termes veille/productivité, création/errance, errance/illumination. Avant tout conçue comme un travail d’organisation et d’agencement de contenus et de sources, qui emprunte autant à la figure du curateur (qu’il est aussi), l’approche de Jocelyn Villemont est marquée par une attention aiguë portée à la question de la «fabrique» (la fabrique des choses, des imaginaires, des tendances, de l’exposition, des savoirs, des rêves etc.) et celle du transfert (en terme d’opération matérielle, et idéelle), supposant que chaque Å“uvre mette en jeu sa condition naturelle d’artefact, produit de synthèse, et de maillage inter-textuel.