Initialement rompue à la danse baroque, Béatrice Massin a pour habitude dans ses ballets faire rencontrer celle-ci avec la danse contemporaine. Portant l’esprit du baroque, elle collabore à des fictions cinématographiques ou télévisuelles telles Le Roi danse du réalisateur Gérard Corbiau (1999) ou la série Versailles (2014). Fondant en 1993 la compagnie au nom tout baroque, Fêtes Galantes, Béatrice Massin entend d’abord transmettre et valoriser le patrimoine chorégraphique des XVIIe et XVIIIe siècles puis, au travers de créations, sensibiliser le public à la modernité du baroque en s’efforçant d’établir des points de rencontre entre « matière baroque » et contemporaine : « imaginer une danse baroque d’aujourd’hui, (…) la métamorphoser pour en faire une matière contemporaine. »
Mass B
A la manière de la chorégraphe belge Anne Teresa de Keersmaker, ses chorégraphies sont fortement marquées par la musique. Cette esthétique, qui associe étroitement danse et musique, caractérise indéniablement toutes ses créations comme Que ma joie demeure (2012), organisée autour des Concertos brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach.
Mass B, la nouvelle pièce de Béatrice Massin, est quant à elle construite sur la Messe en si mineur de ce même compositeur. Mass B se présente plus précisément comme une suite de petites pièces, de brefs moments où les mouvements des interprètes épousent l’intensité de la musique de Bach selon des variations exprimant la gamme complexe des gestes. Car la chorégraphie de Mass B est rigoureuse sinon, diront certains, géométrique voulant ainsi allier les exigences de la danse baroque et la plus grande liberté formelle de la danse contemporaine.
 Une harmonie rigoureuse
La pièce nous introduit d’emblée dans un monde intriguant, sorte de lieu clos et utopique. En effet, la scène est complètement nue mais encadrée par trois panneaux à la faible luminosité. Les danseurs la traversent lentement, puis prennent leur élan et se laissent glisser, puis dans le même élan se redressent et chutent encore. Comment interpréter ces chutes de corps ? Mass B, véritable point de rencontre de la danse baroque et contemporaine, se fait aussi l’écho de l’actualité la plus récente, celle des mouvements de population animés par l’espoir et la crainte de l’avenir.
Parfois, des rencontres se nouent et les interprètes parcourent la scène dans un mouvement circulaire d’ensemble jusqu’à épuisement. Dans Mass B, les danseurs semblent ne jamais se dérober au regard du public : un sentiment de confinement se dégage, accentué par la pénombre qui souligne à peine les silhouettes des danseurs. La musique baroque qui progressivement se fait entendre, lente et solennelle, est parfois entrecoupée de compositions de György Ligeti, et rencontre les gestes des danseurs.