La quête picturale de Marthe Wéry emprunte un temps la voie du travail sur papier. Ses « dessins lignés » — feuilles blanches entièrement remplies de lignes droites, parallèles, tracées au feutre noir — s’inscrivent dans le droit fil des compositions all over initiées par les artistes américains comme Strzeminsky, dont elle avait découvert l’œuvre à New-York en 1969. Invitée à la Documenta VI (Cassel, 1977), l’artiste y présenta un ensemble de ces dessins qui éliminent toute forme.
Représentant son pays lors de la Biennale de Venise en 1982, Marthe Wéry réalisa pour le pavillon belge une série de tableaux rouges qui marquent son retour définitif à la peinture et manifestent les caractéristiques essentielles de son art : un dialogue fécond avec la tradition du monochrome, le travail par série et, surtout, une confrontation de la peinture avec le lieu où elle apparaît.
Posées sur le sol, adossées aux mur, les toiles rythmaient l’espace. Depuis lors, Marthe Wéry a développé cette intrication de la peinture et de l’installation qui rompt avec l’autonomie du tableau. Posées sur des cales ou des tréteaux, disposées le long des murs, accrochées à des hauteurs variables, déployées dans l’espace du spectateur, ses peintures créent des « environnements » picturaux. Cette hybridation bouleverse les catégories. Elle rend surtout perceptible la nécessité pour l’artiste, après avoir congédié la forme, de faire « vivre la surface ».
Passionnée par l’architecture, Marthe Wéry s’attachait moins aux problématiques du monochrome qu’à celles de la « couleur seule » – à ses qualités perceptuelles et physiques. A partir de 1995, ses tableaux sont constitués de nappes de peinture liquide, couches superposées répandues sur toute la surface, et qui y jouent librement, inscrivant ainsi des traces inattendues. Issues de la tension superficielle de la matière, elles génèrent une vitalité du plan du tableau.
L’artiste souhaitait « penser en peinture ». Cette ambition la conduisit à nouer un dialogue pictural avec les grands anciens, de Pontormo à Mondrian, Malevitch ou Newmann, comme avec ses contemporains, tels Bernard Frize ou Susanna Fritscher avec lesquels elle confronta ses investigations. Par passion des échanges, pendant près de trente ans elle fut aussi enseignante dans diverses écoles d’art (Bruxelles, Lyon, Nîmes).
Elle laisse une œuvre rigoureuse dont la vitalité radieuse contribue à renouveler les charmes de la peinture.
> Cette exposition fait partie du programme «Rendez-vous dans les galeries». A l’initiative du Festival francophone en France («Francofffonies»), 22 galeries parisiennes exposent des artistes francophones.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Anne Malherbe sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Marthe Wéry