Musée d’art contemporain de Marseille
Marseille Artistes Associés
À la fin des années soixante, les artistes qui travaillent à Marseille trouvent, dans le contexte de récession économique que traverse la ville, les conditions favorables à leur installation. Le déclin de l’activité industrielle et artisanale, la migration des entreprises vers des zones plus attractives, libèrent un grand nombre d’espaces qu’ils vont pouvoir investir. Ils disposent alors, et à très bon prix, des surfaces importantes nécessaires pour leur travail, dans une ville hospitalière et peu contraignante, où le coût de la vie, particulièrement bas, reste compatible avec les aléas de la carrière d’un artiste.
Assez rapidement, l’engouement renouvelé pour la création contemporaine des années soixante-dix, dont témoigne la création du Centre Georges-Pompidou, de même que la nécessité impérative, pour les artistes installés, en province d’élargir leur audience, vont les conduire à s’intéresser aussi à l’organisation de la circulation de leurs travaux. Pour cela, ils transformeront souvent une partie de leurs ateliers en lieux d’exposition, afin d’organiser des échanges qui leur permettront ensuite de sortir de leur marginalisation géographique et d’obtenir une reconnaissance plus importante.
A Marseille, la scène artistique est prolifique. La Collectivité, consciente de ce phénomène, va accompagner cette dynamique artistique et l’encourager de diverses manières : elle rénove une partie de son patrimoine immobilier avec l’aide de fonds européens, comme le Feder, et crée, dans les années 80, plusieurs ensembles d’ateliers, de résidences et de lieux de diffusion dispersés dans les quartiers.
En complément de ces outils, elle développe la collection du Fonds Communal d’Art Contemporain de même que la commande publique et crée plusieurs comités d’experts, dont la vocation est de sélectionner parmi les nombreux projets portés par les associations d’artistes, ceux qui recevront le soutien de la Municipalité.
Enfin l’occupation des immenses bâtiments industriels laissés libres par le départ de la Seita (régie des tabacs), réhabilités avec l’aide des Institutions publiques, permettra aux structures associatives réunies dans la Friche de la Belle-de-Mai, de créer un véritable laboratoire culturel multidisciplinaire. Là , sont expérimentées de nouvelles manières d’appréhender et d’explorer les territoires des technologies nouvelles, d’accueillir et de soutenir les artistes et leurs projets, de gérer les expériences alternatives les plus vulnérables dans une dynamique de renouvellement constant.
Dans l’histoire des rapports entre la Ville et les artistes, une donnée est essentielle : le nombre de ceux qui vivent et travaillent ici. Cette communauté est en effet la plus importante que l’on puisse trouver en France après celle de Paris. Elle donne à Marseille une véritable longueur d’avance sur les autres métropoles régionales en lui permettant de voir émerger et de mener des expériences originales d’avant-garde.
La présence des artistes est remarquable non seulement par le nombre mais aussi par leur diversité, qui constitue un autre atout. On le remarque en poésie, en musique, dans les arts de la rue, la danse, le théâtre comme dans les arts visuels. Comme acteurs d’abord et comme premier public aussi, ils sont directement impliqués dans les activités de diffusion et c’est à eux que Marseille doit le formidable essor du milieu culturel associatif.
«Marseille Artistes Associés» tente précisément d’en rendre compte en observant ce qui s’est passé dans les associations d’artistes plasticiens depuis les années soixante-dix. En même temps elle se tourne vers l’avenir et choisit de mettre en valeur une sélection des plus remarquables d’entre elles dans cette exposition. Pour que la proposition soit à la hauteur de l’attente des nombreux acteurs de cette aventure, «Marseille Artistes Associés» a réuni une importante documentation qui permettra d’appréhender toute la diversité du phénomène.
Organisée par Colette Tron, elle complète le travail de l’Havam (Histoire des arts visuels à Marseille) dont les Ateliers d’Artistes avaient déjà montré en 1996 les premiers résultats. Nous présentons ici l’état final de ces recherches conduites entre 1994 et 2000, par les étudiantes de l’Ecole des hautes études en sciences sociales et de l’université de Provence, sections histoire et histoire de l’art, sous la direction d’Yves Michaud. Elles permettent d’observer le phénomène associatif dans les arts visuels en croisant les points de vue des sociologues et des historiens.
Enfin, pour compléter ce panorama tout en gardant les artistes en position centrale, Documents d’artistes organise la présentation de tous les dossiers de ceux qui travaillent à Marseille et dans la région.
Vingt-six associations participent à l’exposition et beaucoup plus si l’on prend en compte la section documentaire. Chacune est commissaire de son propre projet.
Toutes les associations se sont emparées de cette proposition pour envisager ce qui fait aujourd’hui leur spécificité et leur histoire. Le professionnalisme qui les anime est remarquable, résultat d’années d’expérience, de travail en réseau, d’une curiosité sans limites comme de la confrontation quotidienne avec l’action locale des musées, de l’école d’art, du Frac et des Ateliers d’Artistes.
Le contexte dans lequel les associations évoluent a été bouleversé ces dernières années par les technologies de la communication et la réduction des distances. Elles en profitent pour revendiquer avec les artistes comme avec leur public de plus en plus nombreux une existence en province qui ne soit plus marginalisée. Dotées d’outils de diffusion de qualité qu’elles font vivre avec passion, intelligence et une très grande dose de persévérance, elles invitent ceux qui ne les connaissent pas encore à les rencontrer.
Ainsi «Marseille Artistes Associés» se transporte, grâce à elles, dans la ville. L’exposition investit Marseille, la métropole euroméditerranéenne en devenir, pour le plus grand plaisir de tous.
Thierry Ollat