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Mark Lewis

12 Avr - 30 Juin 2005

Un cinéma associant histoire de l’art, interrogation politique, scénographie et production. Quatre films construits sous forme de long travelling, de mouvements progressifs et de zooms lents. Pour expérimenter le temps, de l’attente, la mémoire et provoquer le mystère.

Communiqué de presse

Mark Lewis Mark Lewis

Après avoir été formé à l’école de la photographie auprès de Victor Burgin, Mark Lewis se tourne vers le cinéma au milieu des années 90. Il s’intéresse à un champ qui mêle l’histoire de l’art et l‘interrogation politique, aux critères de production du cinéma et au mode de présentation des œuvres. Pour sa troisième exposition à la galerie, Mark Lewis présente 4 films : Children’s Games, Heygate Hestate, 2003, Churchyard Row, 2003, Off Leash, High Park, 2005 et Algonquin Park, Early March, 2002.

Children’s Games, Heygate Hestate est un long travelling de 7 minutes. La caméra progresse doucement le long d’une passerelle reliant les différentes parties du quartier populaire londonien, “Heygate Estate”. De nouveaux éléments architecturaux ponctuent ce parcours à mesure que la caméra évolue.

Dans le film Churchyard Row, la caméra bouge lentement, révélant un coin de rue sale avec des sacs poubelles, une barrière couverte de graffiti précisant «attention au chien» et un vieil arbre d’où l’on peut voir, lorsque la caméra tourne à nouveau, une corde suspendue; est-ce une balançoire?…ou une arme plus dangereuse? Comment cette corde est-elle arrivée là? et qui vit derrière cette barrière? Lorsque la caméra s’arrête, dans nos esprits cette scène de paysage urbain désolé est devenue une scène de grand mystère et de lourds secrets.

Dans Off Leash, Mark Lewis rapproche élégamment deux genres de mouvements, et précise par là les expériences d’attente et de mémoire. Lorsque le film débute, notre attention est immédiatement captée par le mouvement de la scène. Des chiens courent tous azimuts et des personnes se promènent, les entraînant. L’autre mouvement est celui de la caméra bougeant dans un arc au-dessus de la scène. Le point de vue aérien incliné, la large rotation circulaire et désincarnée rappellent les prises de vues constituantes que l’on est habitué à voir au début de films narratifs.
Notre expérience des conditions cinématographiques nous amène à supposer qu’ici comme ailleurs le mouvement de la caméra est en quelque sorte obséquieux au mouvement de l’image. Au début nous sommes donc encouragés à imaginer la suite –à voir plus loin- parallèlement à la progression de la caméra. On se rend alors compte que le mouvement de la caméra est indépendant de la scène qui se déroule sous elle. Finalement elle s’arrête, mais le film continue un moment. La tranquillité finale est étrange et incite le spectateur à s’interroger.
Nous repassons alors le tout en revue pour retrouver la motivation du mouvement de la caméra et réalisons que nos attentes étaient fausses. D’une certaine manière, la pause finale donne un aspect nouveau à la narration. Peut-être aurions-nous dû prêter plus d’attention aux branches, celles dont nous pensions qu’elles gênaient l’image. Et que se passa-t-il, finalement, à côté de la poubelle vide, près du bâton tombé à terre, là où le sol est raclé?

Algonquin Park, Early March consiste en un zoom lent et en arrière avec deux moments de révélation discrets et contradictoires. Lorsque le film commence, l’écran est blanc et nous ne comprenons pas ce que nous regardons. L’écran reste blanc pendant un moment qui nous semble devenir long, quand soudain des sommets de sapins surgissent dans le bas de l’image. Ce n’est qu’à ce stade que nous comprenons que la caméra recule, mais nous ne pouvons être sûrs si elle le fait depuis le début ou si ce mouvement vient de commencer.
Nous supposons que le blanc est un ciel vide, jusqu’à ce que des troncs de sapins apparaissent dans la partie supérieure de l’image. Pendant un moment, nous nous imaginons que les premiers sapins aperçus étaient les reflets des seconds, mais cela est faux, ils sont du même côté. Finalement nous réalisons que ces sapins poussent des deux côtés opposés d’un lac gelé. Dans la partie supérieure droite de l’image la neige a été dégagée pour laisser place à un rectangle de glace et à des joueurs de hockey. Ce n’est donc qu‘à la fin du film, lorsque la caméra atteint son angle le plus large, que nous avons la vision la plus juste de ce qui nous est présenté, que nous comprenons que l’image initiale était un gros plan de la glace.
Dans un sens ce film est contre-intuitif : généralement la caméra zoom pour voir l’objet d’intérêt de manière plus détaillée ; ici le gros-plan était incompréhensible, à part son vide et sa blancheur. Bien que déjà à mi-chemin dans le film nous croyions que la caméra filmait d’en bas, arrivés à la fin nous savons qu’elle était positionnée sur une falaise surplombant le lac, filmant d’en haut. Le caméraman a du être placé de la même manière que le personnage dans l’œuvre de Casper David Friedrich, Voyageur au dessus de la mer de nuages (1818).

En outre, l’image finale rappelle le tableau de Bruegel, Les chasseurs dans la neige (1565). Mais quel est le but de ces allusions? Il est possible que le film doit être vu comme un cours d’histoire de la peinture renversé. Débutant avec le monochrome moderne, il passe par la période Romantique pour finir avec la peinture flamande du 16ème siècle. Peut-être doit-il aussi être vu comme une confrontation entre la peinture du sublime et la technologie : en effet, nous ne voyons jamais la beauté de la vue, sauf à travers la progression insistante du zoom.

critique

Mark Lewis

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