Mark Handforth
Mark Handforth
Mirjam Varadinis : Au sens littéral comme au sens figuré, vous tordez les choses.
Beaucoup de vos sculptures sont faites d’objets ordinaires mis en pièces que vous ré-assemblez de sorte qu’ils perdent leur sens original et acquièrent une signification complètement nouvelle. Décririez-vous votre méthode comme une forme de déconstruction ?
Mark Handforth : Eh bien… ce n’est pas comme cela que je le dirais – il me semble que les artistes ne parlent que rarement de cette façon, mais je pense en même temps que vous n’avez pas complètement tort !
Même si ça peut sembler bizarre, c’est le Constructivisme traditionnel qui a mis l’original ou le ready-made en mouvement ; je fais fréquemment usage de ce type de transformation dans mon travail.
La différence, je suppose, c’est qu’ils (les Constructivistes) étaient toujours soucieux d’une grande utopie, alors que moi je suis simplement là, à démonter une sorte de paradis.
MV : Vous vous servez souvent des mêmes motifs, mais chaque fois configurés de façon différente. Comment les oeuvres se réfèrent-elles les unes aux autres et quel rôle jouent-elles dans la globalité de l’exposition ?
MH : J’envisage mes expositions comme des « paysages ». Chaque oeuvre est très étroitement liée à toutes celles que l’on a dans son champ de vision et elles forment ainsi ensemble une totalité dans l’espace.
Une oeuvre change de signification en fonction du lieu et de l’ensemble d’oeuvres dans lesquels elle est montrée. La sélection des oeuvres et la composition de l’exposition sont donc pour moi de première importance et, étant donné que j’envisage l’exposition comme un tout, j’y mets toute la minutie possible.
MV : Vous revenez souvent vers le thème des panneaux de signalisation. Ils tiennent un rôle central dans la culture américaine et rappellent les séries de photos d’Ed Ruscha ou encore le Learning from Las Vegas de Robert Venturi (1972).
Au lieu de les reproduire ou de les illustrer, vous allez plus loin encore en faisant, de ces panneaux, des répliques. Je trouve que les sculptures qui en résultent ont quelque chose de très sexy et d’assez Pop de par leurs surfaces aux couleurs voluptueuses.
MH : Le Pop est LE langage culturel américain. C’est sans prétention et c’est la seule culture aux Etats-Unis qui ne soit ni acquise ni appropriée.
Mais, si mes sculptures sont Pop, si elles assument la culture populaire comme étant la véritable culture de ce pays et se veulent des readymades, leur signification n’est pas pour autant seulement dans leur surface.
Elles relèvent de “la réalité des faits” (facts on the ground). Mais la réalité des faits dans son sens littéral – lampadaires, panneaux de signalisation, bouches d’incendie, pneus, parcmètres – avec tout ce qu’une telle réalité peut avoir d’implications existentielles.
MV : Vous avez aussi manifestement une certaine affinité pour le vocabulaire esthétique du Minimalisme – en particulier dans vos oeuvres en néon qui évoquent les sculptures lumineuses de Dan Flavin.
MH : Quand j’atteignis l’âge adulte, le minimalisme faisait déjà partie de l’histoire de l’art classique – tout comme le Pop Art.
Pour moi, tous ces langages artistiques du passé ne sont que ça : des langages disponibles que l’on peut parler. Et je me réjouis parfois d’avoir la possibilité d’utiliser deux langues différentes dans la même phrase.
Quitte à ce que ça rende les choses un peu confuses. À côté de ça, je pense que la distinction entre Pop Art et Art Minimal est discutable. Judd n’était-il pas Pop dans son utilisation de surfaces en Plexiglass fluorescent?
Extraits de l’interview Toute personne se volatilise, Une conversation avec Mark Handforth par Mirjam Varadinis, catalogue de l’exposition Mark Handforth, Kunsthaus Zürich, ed.Presses du Réel, 2005
critique
Mark Handforth