Typographiés blanc sur noir à même le mur de la galerie, figurent des formules énigmatiques à chaque fois composées de deux motjuxtaposés. Si certaines de ces associations paraissent incongrues, d’autres en revanche ne désarçonneront assurément pas les habitués des magazines culturels comme NME ou les Inrocks. Mario Milizia nous offre des noms de tendance dont la seule évocation évoquent des images. «Electro Modernism» ou «Hardcore Gothic» sont des exemples parmi d’autres dont l’œuvre de l’artiste se fait l’écho.
Avec 3international styles2 (2003), Milizia dévoile le processus de fabrication de ses tendances: deux projecteurs juxtaposent des mots avec un petit décalage, si bien que la boucle n’est jamais bouclée et qu’une quasi-infinité de combinaisons est possible.
Sous les aspects d’une agence de communication du pauvre — l’extrême simplicité du dispositif en atteste —, l’artiste parvient à énoncer la critique d’une société régie par la soif de nouveauté, au risque de l’absurde, du vide et du creux
Si McLuhan avait, en son temps, proclamé que «The message is the medium» (Le message est le médium), Milizia dit simplement que «le message est le message», rien de plus. L’art a dépassé le formalisme visuel du «What you see is what you see» (Ce que vous voyez est ce que vous voyez) pour se livrer à une sorte de formalisme textuel plus proche de Young & Rubicam que de Mallarmé.
La projection de Milizia fait alors figure de tautologie. Ces nouveaux mots, composés de citations mutantes, niaises et dégénérées, ressemblent aux pires des chansons populaires qui n’hésitent pas à faire rimer «amour» avec «toujours», et dont évidemment nous n’écoutons plus les textes depuis longtemps. Il est question de fournir un fond sonore — des mots posés comme des sons pris uniquement pour leur aspect auditif — pour donner corps à une attitude qui se voudrait inédite tout en sachant qu’aussitôt énoncée, elle sera oubliée.
L’artiste se veut prospectif, chercheur en attitudes dans lesquelles nous pourrons nous glisser à notre guise et selon notre humeur. Forme de prêt-à -porter culturel à la doublure percée, l’œuvre de Milizia montre ce que nous rechignons à admettre de notre mode de vie et la manière dont nous avons pris l’habitude de consommer la culture.
Étrange paradoxe de cette modernité qui poursuit malgré tout sa paradoxale tradition de la nouveauté aujourd’hui déçue et désenchantée. Si les utopies des avant-gardes ont échoué, il nous reste tout de même leurs noms et la possibilité encore ouverte d’en inventer d’autres.
C’est en partant de ce constat on ne peut plus cynique que l’artiste tire sur la corde limée de la modernité. Pour la faire céder, pour s’en amuser ou par désespoir ? L’avenir nous le dira peut-être, mais en attendant cette attitude paraît bien « postmoderne » !
Mario Milizia :
— International Styles, 2003. Logiciel créé spécifiquement pour la pièce, compatible avec mac et pc. L’algorythme de ce logiciel génère une projection vidéo consistant en un flux continu de combinaisons de styles aléatoires et infinies.
— Doubt, 2003. Wall painting d’un mélange de styles. Dimensions variables.
— Obsession, 2003. Wall painting d’un seul style, choisi par l’artiste ou par le collectioneur, qui se répète. Dimensions variables.
— Style Mixer, 2003. Deux disques tournant l’un par dessus l’autre qui permettent de composer plus de 15000 combinaisons de styles. Diam. : 21 cm.
— Style, 2003. Tirage lambda d’un style choisi par l’artiste ou par le collectioneur. Chaque style constitue une pièce unique. 50 x 70 cm.
— Clones, 2003. CD 1 titre, remix du morceau d’Alice Cooper.