Août 2009, l’écrivaine Marie Ndiaye s’entretient avec Les Inrockuptibles. A une question sur la «France de Sarkozy», elle répond: «Je trouve cette France-là monstrueuse… Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là , je les trouve monstrueux».
Deux mois plus tard, le 2 novembre, elle reçoit le prix Goncourt, et huit jours après le député-maire UMP Éric Raoult adresse une question écrite au ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, pour attirer son attention «sur le devoir de réserve dû aux lauréats du prix Goncourt».
Lors de son entretien avec Les Inrockuptibles (18 août) Marie Ndiaye n’était pas encore lauréate du fameux prix. Donc, même si un devoir de réserve avait existé comme le désire le député, il n’aurait pas pu s’appliquer à l’entretien incriminé.
Éric Raoult aurait-il fait un lapsus? Sa sortie ne serait-elle pas plutôt l’expression d’une volonté plus profonde de faire taire les artistes et les écrivains français critiques?
Sollicité à se prononcer par Eric Raoult, puis par Marie NDiaye, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a répondu: «Cela ne me concerne pas en tant que ministre».
Celui qui, ému par le sort du cinéaste Roman Polanski, avait affirmé sa ferme volonté d’être toujours du côté des artistes a choisi cette fois de demeurer en dehors de la polémique.
Pour faire redescendre l’esclandre des réactions, Éric Raoult lui, a reformulé sa demande en transformant le «devoir de réserve» en un «principe de modération». La censure devient mesure.
On modère, mais le député affirme: «Le message délivré par les lauréats se doit de respecter la cohésion nationale et l’image de notre pays». L’écrivain reconnu est à l’étranger un représentant de la France.
Quant à son livre, Trois Femmes puissantes, qui lui a valu le Goncourt, Marie NDiaye précise: «J’étais très intéressée et bouleversée par les histoires de réfugiés qui arrivent à Malte ou en Sicile ou ailleurs, d’où la dernière histoire, celle de Khady… c’est une tragédie actuelle…»
Son livre, qui traite donc largement de l’immigration, a directement nourri ses propos sur la France de Sarkozy. Ce dont Éric Raoult ne semble pas s’être aperçu.
La parole d’un écrivain serait-elle devenue plus subversive que ses œuvres qui, elles doivent être lues…