Sans trame narrative, ni élément superflu, les œuvres de Marie-José Burki sont simples et efficaces. A l’aide de vidéos présentées selon une scénographie rigoureuse, elle révèle et interroge les mécanismes de la perception visuelle. Usant des ralentis, des fondus et autres techniques de montage, elle réalise des arrêts sur images où le temps suspendu laisse apparaître d’infimes détails.
Les installations pensées comme des systèmes de vision interpellent le regard et le mettent en scène dans un face à face œil-image. C’est ainsi que Still, NYC (Another) et Still, NYC (and Another), exposées à même le sol contre des murs opposés, piègent le regard. Composées d’une vidéo dont les images défilent au ralenti et de photographies qui en sont directement issues, ces œuvres présentent des actes ordinaires de la vie urbaine : jouer au domino dans un parc, sauter à la corde, faire le marché, laver des voitures, se promener, etc. Marie-José Burki présente ici des images de vie, d’une vie qui reprend lentement dans les rues de New York après les attentats du 11 septembre 2001. Les photographies de mains fixées dans leur action témoignent de ce quotidien retrouvé.
La pièce regroupant les vidéos Horizon of the World I & II traite des effets des images d’actualité sur notre perception du monde. L’une de ces deux vidéos est une vue aérienne d’une ville et de ses alentours, l’autre une série de gros plans sur des articles de journaux. On ne retient de cette dernière que des bribes de gros titres et des images chocs : accidents de voitures, guerres, morts, explosions. En regardant à nouveau la première œuvre, on attend un crash, on l’espère même. Mais rien n’arrive. Cette attente révèle à quel point l’information — les associations d’images, les transferts de sens — conditionne la perception, modèle l’esprit et entretient les peurs comme celle de l’avion. Marie-José Burki, qui ne fait aucune référence aux attentats de New York, confirme l’impact que les images ont eu : la psychose est telle que l’on ne perçoit ces œuvres qu’au travers de ces événements.
Par ces installations, Marie-José Burki met en évidence la puissance des images. Face à elles, il faut apprendre à se situer, à trouver sa place : Exposure 1 & 2. Ces deux vidéos installées dans la dernière pièce de la galerie, « exposent » des visages d’hommes et de femmes en noir et blanc. Ces individus impliquent le spectateur dans un simulacre de conversation. Ils parlent, mais on ne les entend pas. Ces individus, c’est eux, c’est vous, c’est nous. Face à l’écran et à ses images, nous sommes aliénés, dans l’impossibilité de répondre. Notre place reste à inventer.
Marie-José Burki :
— Still, NYC (Another) , 2001. Vidéo muette sur écran plasma et 4 photographies. Dimensions variables. 14’ 19’’.
— Still, NYC (and Another) , 2001. Vidéo muette sur écran plasma et 4 photographies. Dimensions variables. 14’ 19’’.
— Exposures (I + II) , 2001. 2 vidéos muettes sur écrans plasmas côte à côte ou sur 2 moniteurs. Dimensions variables. 9’ 5’’ et 8’ 20’’.
— Horizons of a World (II) , 2001. Vidéo muette sur écran plasma ou sur moniteur. Dimensions variables. 15’ 15’’.
— Horizons of a World, 2001. Projection sonore. Dimensions variables. 23’ 47’’.