ART | INTERVIEW

Marian Wijnvoord

Marian Wijnvoord, peintre hollandaise, expose actuellement à Paris ses toiles à la galerie Birthe Laursen (jusqu’au 25 juin). Uniquement des paysages, émouvants et déroutants. Elle nous expose sa singulière conception de l’espace.

Dans votre exposition, intitulée Horizon, alternent paysages de mer, de montagne, de pluie ou d’orage.
Est-ce que des lieux réels vous ont inspirée ? Car votre peinture demeure, malgré sa grande originalité, figurative.

Marian Wijnvoord : Rien n’existe. Ces paysages sont dans ma tête. Je les considère plus comme des décors que comme des représentations. Les montagnes par exemple que vous évoquez, sont totalement artificielles. Elles sont là pour montrer le moment où ciel et terre se rejoignent, et où les contours de l’horizon ne sont plus perceptibles. Ce qui m’intéresse c’est de brouiller ce point de référence qu’est l’horizon, pour créer un sentiment de désorientation.

Pourtant, certains éléments dans vos toiles nous semblent familiers : on reconnaît bien une montagne, un ciel, un ban de sable…
Oui, c’est l’objectif : ça fait peur et en même temps, c’est doux de perdre ses repères, car on n’est pas complètement perdu devant le tableau, on s’en imprègne. Cependant, la ligne d’horizon est toujours impossible à situer. D’où le titre de cette exposition, qui parle d’un horizon qu’on ne voit et ne perçoit jamais.

Vous vous focalisez sur des points précis : il est vrai que c’est déroutant, car on ne voit jamais un paysage dans son entier. Dans ce cas, où pointe l’horizon ? Difficile de le dire… Pour la mer, par exemple, on ne verra qu’un ban de sable, baigné par une vague, et rien d’autre. On pense au focus en photo, d’autant que vos peintures sont étonnament réalistes.
Pourtant, mon travail n’a aucun lien avec la photo ! Je veux que mes paysages soient le plus ouverts possibles, que le spectateur ne s’arrête pas sur un sens. C’est pourquoi comme je le disais tout à l’heure, malgré le sentiment de familiarité, on ne peut jamais savoir précisément ce qui est représenté. Sinon, ce serait un obstacle à toutes ces lectures possibles. Mon travail se rapproche plus du cinéma, qui permet de rester en mouvement : mes images ne sont pas fixes. J’ai d’ailleurs recréé nettement ce mouvement dans mes Séries, qui peuvent aller jusqu’à quatre ou cinq tableaux, représentant le même espace à des moments différents. Mon exposition antérieure à Paris en 2003 s’intitulait d’ailleurs Le Double.

La couleur et la lumière sont quasiment absentes de vos toiles: on ne voit que la pluie, l’orage ou la neige en montagne. Même quand vous représentez le feu, on ne voit qu’une sobre flamme. Comment expliquer ce choix ?
Toujours par la priorité de l’espace. Rien ne doit distraire de sa contemplation, du sentiment familier et en même temps étranger qu’il inspire. Mes tableaux ne sont aucunement narratifs.

Et les personnes ? Il n’y a jamais aucune présence humaine dans vos toiles, est-ce pour la même raison ?
Oui, exactement : la présence humaine limite le sens. Pour moi, la seule présence humaine, c’est celle du spectateur.
Je veux vraiment créer une connivence avec lui: c’est pourquoi aussi, je choisis des formats moyens pour mes toiles. Afin qu’elles puissent prendre place dans une maison*.Que l’infini tienne dans la main.

*Marian Wijnvoord, dans le cadre de son projet, « Living Room Project » en 1999 a mis à la disposition de plusieurs personnes ses toiles, qu’elle leur a prêtées chez elles durant trois mois, pour qu’elles puissent s’imprégner des oeuvres véritablement, dans un univers familier.

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